Trouble bipolaire — Maniaco-dépression
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Dépressions, hypnose et thérapie brève

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Dépressions, hypnose et thérapie brève Empty Dépressions, hypnose et thérapie brève

Message  Invité Mar 15 Mai 2012 - 15:20

Partez à la rencontre du Dr Claude Virot, psychiatre et directeur d’Emergences.
Nouvelle interview de Claude Virot - Congrès Dépressions, hypnose et thérapie brève video : lien inactif à ce jour ; à défaut :

Un article de Claude Virot : la dépression chaotique

Chacun peut aujourd’hui constater l’importance que le concept de dépression a pris depuis quelques années : c’est un diagnostic facilement posé par les cliniciens, facilement posé aussi par les patients. Face à ce diagnostic, l’attitude thérapeutique quasi systématique est la prescription d’antidépresseur dont le recours se voit banalisé. La meilleure attitude serait d’associer aux antidépresseurs une dose de psychothérapie, ou l’inverse et il semble que cette attitude soit respectée également par les praticiens compétents en hypnose.

La dépression : chronique et stable ou récente et imprévisible

L’expérience nous a amené à observer l’existence de deux situations radicalement différentes recouvertes par le même concept de dépression. D’une part une souffrance relativement stable, parfois ancienne avec des symptômes chroniques, évidemment résistante aux antidépresseurs pour avoir pu acquérir ce caractère de stabilité. En phase stable, le patient sait que tout à l’heure, demain, la situation sera identique, générant une forme de douleur morale malheureusement devenue trop “familière”. D’autre part une souffrance, souvent récente, paraissant étrange et mystérieuse au patient , « je ne comprends pas pourquoi je suis dans cet état, il ne s’est rien passé de spécial…” La symptomatologie est très variable d’un moment à l’autre : ” parfois tout se calme, je me sens de nouveau bien et puis l’instant d’après, je suis au plus mal”. Les périodes peuvent être de quelques minutes, quelques heures ou quelques jours. L’esprit est très agité, la réflexion n’arrive plus à se poser, le patient est comme ballotté dans un torrent tumultueux qui l’entraîne vers le pire. Cette grande instabilité engendre une angoisse majeure, parfois une sorte de panique face à l’imprévisibilité absolue de ce qui va se passer le moment d’après. Cette variabilité fondamentale doit être recherchée avec le patient dont la demande thérapeutique est très forte. C’est une demande de soulagement, de protection, de sécurité. C’est aussi une demande de changement rapide. Mais la situation est également très anxiogène pour le thérapeute qui lui non plus ne comprend pas pourquoi ce patient est si perturbé. Il aura alors recours à ce qui est le plus rassurant : les antidépresseurs.

Le système complexe dynamique

Or aujourd’hui, nous avons à notre disposition une grille de lecture : celle de changement de phase d’un système complexe dynamique. Après un rappel de la notion de système, puis de la complexité, nous aborderons celle de chaos. Un système est un ensemble d’éléments en interaction liés par une finalité commune. Le temps y est une donnée fondamentale : à un moment donné le système est différent de ce qu’il était le moment précédent ou de ce qu’il sera le moment suivant. Le modèle le mieux connu est la famille et ce concept à donné naissance aux thérapies familiales. Le système est complexe lorsqu’il est composé d’un nombre tel d’éléments qu’il est impossible de les observer tous en même temps. Le système est dynamique et vivant lorsqu’il est en échange permanent avec le milieu extérieur. Un individu est bien évidemment en lui-même un système complexe. Il est composé de nombreux éléments qui interagissent pour assurer l’équilibre vital. Quelle complexité, en effet, lorsque nous regardons le corps et toutes ses composantes, lorsque nous regardons l’esprit et toutes ses composantes, lorsque nous regardons toutes les interactions à l’intérieur du corps, de l’esprit et entre chaque partie du corps et chaque partie de l’esprit. Et que le tout fonctionne bien le plus souvent ! La manière dont chacun crée des échanges tant corporels que relationnels avec son environnement témoigne de l’aspect dynamique de chaque individu. Cependant tout système est animé de deux grandes tendances. Il tend à évoluer, à se transformer, à se développer, à changer. Dans le même temps, il cherche aussi à rester stable, équilibré par les forces d’homéostasie. Ces deux tendances contraires se contrôlent mutuellement : contrôle du risque de développement excessif, trop rapide d’une part, contrôle du risque d’immobilité et de dépérissement de l’autre. Nous trouvons ces deux phénomènes dans toute société, association, famille et pour chacun de nous. Et enfin tout système vivant contient en lui-même la capacité d’auto-organisation c’est à dire de mettre en place les solutions pertinentes pour s’adapter à de nouvelles circonstances: c’est ce que nous faisons au quotidien lorsque nous trouvons naturellement des solutions aux aléas de la vie ordinaire, sans déclencher une catastrophe.

Le système : équilibre stable ou déséquilibre

Un système est en équilibre stable lorsqu’il a une capacité importante à résister aux changements comme lorsque vous êtes debout sur vos pieds, bien ancré au sol. Mais il peut aussi se retrouver loin de l’équilibre donc instable, lorsque vous êtes sur un pied, le corps penché en avant : une seule petite poussée suffit à vous faire tomber. Chaque système passe alternativement par des phases de stabilité et d’instabilité tout au long de son cycle de vie, à l’intérieur de ses limites d’équilibre. Lorsqu’un système est instable, il tend à se modifier pour augmenter sa marge de stabilité et ainsi retrouver la sécurité. Vous ne tombez pas à chaque fois que vous êtes en déséquilibre. Si vous avez des difficultés financières, vous avez tendance à réduire les dépenses, mais vous pouvez aussi parfois chercher à augmenter vos revenus.

Le chaos dynamique

La théorie des systèmes connue depuis longtemps s’est enrichie il y a une trentaine d’année de la découverte de la notion de chaos. Le chaos survient lorsque le système loin de son équilibre n’a plus les ressources de revenir vers la stabilité. Le système entre alors dans une phase chaotique. Apparaissent alors des perturbations majeures et douloureuses, le désordre règne et surtout l’imprévisibilité : le système n’a plus les moyens internes d’évaluer son devenir et se voit mourir ou disparaître. D’autant qu’il ne peut plus s’appuyer sur les stratégies du passé qui ne s’appliquent plus maintenant. C’est la chute, le dépôt de bilan, l’éclatement de l’association ou la dépression, brutale et imprévisible. Ce processus semble en effet s’enclencher lors d’un événement mineur, le fameux lacet qui casse. En fait le système était déjà loin de son équilibre stable. L’image d’Épinal du chaos dite “effet papillon” illustre comment un battement d’aile à Phoenix peut déclencher un ouragan à Sanary ! Un événement mineur, des conséquences majeures. Cet étudiant a eu 11 en math au bac, il lui aurait fallu 12 pour être reçu. Il doit quitter les études, sa famille est furieuse, des conflits sévères se font jour, il quitte brutalement le foyer, fait des petits boulots, peut être des mauvaises rencontres… Tout ça pour un point de plus ou de moins au bac. Petite cause, grands effets. Rappelons nous quand même que cet enchaÎnement catastrophique ne survient que parce que l’équilibre familial et relationnel de cet étudiant était déjà à la limite.

L’effet papillon

Pour dépasser l’aspect pessimiste de tout cela il faut revenir à l’origine, car le papillon a une autre histoire. Un chercheur en météorologie entre des données ordinaires dans son ordinateur pour établir une courbe de prévision des événements climatiques. Travail banal, la forme générale de la courbe de résultat est déjà connue. Pourtant ce jour-là, lorsqu’il revient de déjeuner, son ordinateur semble être devenu fou. Au lieu des point sagement alignés les uns près des autres, ce sont des points erratiques qui s’inscrivent sur l’écran. Rien ne lui permet plus de prévoir à quel endroit s’inscrira le point suivant : c’est le désordre, le chaos. Mais plutôt que d’arrêter la machine, il laisse ce processus se poursuivre pendant plusieurs heures et, peu à peu, une nouvelle forme apparaît sur l’écran. Doucement les points dessinent une forme nouvelle aux courbes qui ressemblent étrangement à un papillon. L’effet papillon était né. Autrement dit après une phase de désordre, chaotique, imprévisible, un nouvel ordre s’installe dans le système. Tous les nouveaux points viennent s’inscrire dans cette image de papillon (attracteur étrange) Le chaos était présent mais temporaire. Le nouvel ordre n’a pu voir le jour qu’avec le temps. Pour la petite histoire, ce chercheur avait fait une “erreur” dans sa programmation : il avait oublié d’éliminer des calculs une partie des chiffres après la virgule contrairement à ce qui s’est toujours fait dans les calculs répétitifs. Cette petite correction innocente permettait de maintenir l’ordre et de prévoir les résultats. Cet oubli a mis en évidence une nouvelle discipline de recherche. Une petite cause pour de grandes conséquences.

Le chaos au quotidien

Chacun de nous a connu de telles phases, parfois mineures et discrètes parfois très intenses. Le processus reste le même : une perturbation, souvent mineure, déclenche un désordre intérieur, sans solution apparente. Des idées plus ou moins claires semblent tourner dans notre esprit, plus ou moins agréables entraînant parfois des sensations physiques pénibles. À un autre moment, le calme est revenu, avec soulagement, mais la perturbation revient comme ça, sans prévenir et s’impose à nous. Puis les idées s’organisent de manière floue d’abord, puis vient – soudaine – la solution. Le chaos est terminé. L’ensemble peut durer quelques heures, quelques jours ou semaines. Et souvent la solution est surprenante. Simplement, dans cette phase chaotique, le système s’est réorganisé d’une manière nouvelle permettant l’émergence d’un changement de logique, d’une nouvelle orientation à la réalité. C’est aussi ce que les habitués des systèmes appellent le changement de type 2 décrit par Watzlawick. C’est aussi ce que générait Erickson par ses stratégies confusionnelles : un changement imprévisible mais un changement qui tient compte de tous les éléments internes du système, qui tient compte de cette complexité dont le thérapeute ne connaît qu’une infime partie. Il parlait volontiers des ressources inconscientes du patient. C’est aussi l’intérêt de l’hypnose en proposant au monde intérieur du sujet de nouvelles informations dont nous ignorons à l’avance la manière dont elles vont permettre cette nouvelle orientation à la réalité du sujet.

Le chaos thérapeutique

Nous disposons ainsi maintenant d’une nouvelle forme d’observation des perturbations dans un système, en particulier chez nos patients. Nous disposons d’un modèle qui rend compte tant de ces perturbations chaotiques que des changements thérapeutiques imprévisibles, de ces solutions originales et individuelles que chacun “fabrique”. Encore faut-il que le chaos aille jusqu’à son terme, que le papillon voie le jour. Il nous reste à étudier comment ce modèle peut et doit modifier notre pratique. Plusieurs éléments devront être associés pour pouvoir
  • accompagner un patient -ou un couple, ou une famille– dans cette phase délicate,
  • pour l’aider à aller au bout de ce processus chaotique dans des conditions fiables de sécurité.
  • pour lui donner le temps de construire ce nouvel ordre, cette solution pertinente pour lui seul.
Nous allons présenter maintenant des principes généraux d’intervention thérapeutique ; Ces principes ne peuvent qu’être généraux puisque sur le terrain la stratégie demandera évidemment beaucoup de souplesse et de capacité d’adaptation de la part du thérapeute face à des situations toujours différentes.

Premier contact

Chacun sait que les tout premiers moments de la thérapie sont essentiels, ils posent le cadre et l’orientation globale du soin. Sont posés d’emblée les premiers éléments de la stratégie. C’est aussi le moment de poser les diagnostics. Diagnostic de l’intensité et du type de trouble. Sommes nous en présence d’une phase chaotique ? Diagnostic des ressources du patient : ses propres ressources internes, sa capacité à se mobiliser, à être actif. Est-il demandeur de changement, est-il motivé par la thérapie ? Mais encore ses ressources externes, par exemple le soutien familial qui apparaît habituellement dans ces situations angoissantes pour tout le monde. Nous considérons que ces éléments fondamentaux dans l’évaluation du trouble ne pourront apparaître qu’en l’absence de traitement antidépresseur, celui-ci modifiant profondément le tableau. Cette position thérapeutique est déterminante dès le premier contact avec le patient. Il me paraît très important de recevoir les demandes téléphoniques. Ce moment me permet d’évaluer le début des troubles, le retentissement sur la vie quotidienne (arrêt de travail par exemple), le coté impérieux du changement (ça ne peut plus durer comme ça, je suis à bout) et les traitements déjà en cours. Lorsque le patient prend des antidépresseurs, j’évalue leur capacité à les interrompre avant le premier rendez vous ; Ceci peut être simple si la prescription est très récente (quelques jours). Si le traitement est déjà ancien, quelques mois ou plus, il a fait la preuve de son inefficacité en termes de guérison. Peut-être permet-il un soulagement partiel. Ce patient qui me contacte comme pratiquant l’hypnose et les thérapies brèves souhaite un autre mode de soins. Rappelons ici que l’APA (American Psychiatric Association) souligne l’importance de prendre en compte dans le choix thérapeutique les préférences du patient. Dans un certain nombre de cas, il se sent capable d’interrompre ce traitement ayant bien compris que nous allons en instituer un autre. Dans d’autres cas, de précédentes interruptions médicamenteuses ou amené une récidive rapide des troubles et nous convenons de nous rencontrer sans rien changer.

Le délai d’attente

Ici se situe un chapitre fondamental pour la stratégie thérapeutique. Si un médecin généraliste peut être rapidement consulté, il est beaucoup plus difficile de rencontrer un psychiatre. Le délai d’attente est très habituellement de plusieurs semaines ou mois ! Et comment traiter un patient présentant un trouble aigu à qui l’on demande d’attendre plusieurs mois ! Je sais que certains confrères assurent qu’ »il n’y a pas d’urgence en psychiatrie, il n’y a que des gens pressés ». J’aurai été curieux de connaître l’avis d’un Erickson sur ce sujet. Dans la réalité, ces patients vont attendre … à l’abri des antidépresseurs qui vont dans tous les cas leur être prescrit. Pour plusieurs raisons, ce n’est pas anodin. Utiliser des ressources externes au lieu des ressources internes ne conduit pas au même résultat, apprend au patient à croire dans la pharmacopée, et le plus grave empêche d’intervenir précocement, efficacement dans un moment fécond de l’histoire du patient. Mais vient une autre question : peut-on aider un patient en phase aiguë. Il semble que de grandes écoles thérapeutiques préfèrent travailler “a froid”, et instituer un traitement de longue durée. Le délai d’attente permet au problème de se stabiliser et facilite l’élaboration consciente. Ce raisonnement est pertinent compte tenu de leurs outils thérapeutiques; le prix à payer est la porte ouverte à toutes sortes de psychotropes avec tous les problèmes d’effets secondaires, de dépendance voire de gestes suicidaires. D’un autre coté, le système le plus riche et le plus influent se frotte les mains. Les laboratoires pharmaceutiques sont les premiers bénéficiaires de ces concepts, eux qui prétendent que la meilleure stratégie consiste à associer psychothérapie et antidépresseurs. Ce discours s’adresse en premier lieu aux généralistes : » bien sûr, vous pouvez avoir un rôle de psychothérapeute mais toujours sous couvert d’antidépresseurs… » Déclaration qui n’engage de fait que les laboratoires puisque même la très sérieuse ANAES (agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) rappelle “qu’il n’a pas été montré que l’adjonction d’un antidépresseur à une psychothérapie était plus efficace que la psychothérapie seule”. Alors peut-on aider un patient en phase aiguë ? Bien sûr, si l’on dispose d’outils immédiatement efficaces. Et l’hypnose est un outil immédiatement efficace sur l’anxiété, l’angoisse, la perte de sécurité intérieure. L’hypnose permet une sédation rapide des symptômes les plus douloureux et les plus inquiétants pour le patient. Alors, non seulement il est possible d’aider un patient en phase aiguë, mais ce travail est même beaucoup plus facile et rapide qu’en phase stable ou chronique. Et arrive un phénomène curieux : les thérapies deviennent très courtes, la “rotation” des patients très rapide et les délais d’attente fondent ! Ce qui me permet, en pratique, de donner un premier rendez vous entre 48 heures et une semaine après le contact téléphonique. Tout le protocole développé ici n’a de sens qu’avec cette capacité du thérapeute à recevoir très rapidement ce patient très déstabilisé. Pour le premier rendez-vous mais également par la suite : le plus souvent le deuxième rendez vous se fera entre trois et sept jours plus tard. Idem pour le suivant. Ensuite, dans la plupart des cas, les choses ont commencé à s’arranger et thérapeute et patient peuvent souffler.

Le premier entretien : le diagnostic

L’objectif sera très différent selon que le patient prend ou non des antidépresseurs. Le premier cas concerne les patients n’ayant pas reçu de traitement ou seulement pendant quelques jours sans modification sensible de la pathologie. Le diagnostic de dépression chaotique peut être évident devant une douleur morale aigle, une perturbation grave dans les investissements quotidiens, familiaux ou professionnels, des symptômes psychiques et somatiques d’angoisse, des troubles de l’alimentation et du sommeil. En fait les symptômes classiques d’une dépression moyenne ou sévère. Nous rechercherons d’autres signes plus spécifiques. Les circonstances de survenue sont soit classiques de type réactionnel soit beaucoup plus discrets. Un évènement mineur comme ce patient, contremaître dans une entreprise depuis 20 ans, sans aucun antécédent psychique, qui se précipite voir son médecin après avoir cassé la clé de l’entreprise dans la serrure. Parfois même la dépression commence sans aucun évènement déclenchant repéré par le patient : “je ne comprends pas, tout allait bien, il ne s’est rien passé et j’ai commencé à être très angoissé et maintenant je pleure sans raison…”. L’interrogatoire devra mettre en évidence la variabilité de la symptomatologie. Cet aspect signe le processus chaotique en cours. À un moment donné, les symptômes sont très présents puis ils disparaissent puis ils réapparaissent de manière totalement imprévisible. Les symptômes ne sont pas liés à un lieu, ni à un moment de la journée, ni à la présence/absence d’un proche. Si pour certains patients les troubles sont très violents, pour un autre ils peuvent beaucoup plus modérés ; la dépression peut être comme les giboulées de mars ou comme un ouragan.

Exploration systémique

Les symptômes réunis vient une exploration du système : le contexte de vie actuel et le cycle de vie de ce patient. Le contexte de vie peut révéler un déséquilibre plus ou moins ancien, plus ou moins contrôlé et supporté par le patient. Notre contremaître a décrit un changement de direction dans l’entreprise de charpentes avec réduction des effectifs et une modification dans les responsabilités. Depuis trois ans, il compensait de son mieux des failles apparues dans les délais des chantiers et les finitions. Il finissait souvent tard, retournait au travail le week-end, sans aucune reconnaissance de l’entreprise. Sa femme lui disait que ça ne pourrait pas durer. Une autre patiente décrit la disparition des relations sexuelles depuis la naissance de son enfant, son mari ne s’intéressant plus à elle. Elle supportait assez bien, puis un jour ordinaire, elle s’est retrouvée au-delà des limites de l’équilibre et le processus chaotique a commencé. L’étude du cycle de vie est très habituelle pour ceux qui ont lu -et relu- le livre de Jay Haley “Un thérapeute hors du commun”. Cette étude est extrêmement féconde et permet très souvent de repérer que le patient est dans une phase de changement du cycle de vie. Ce changement de phase est pour chacun un moment de déstabilisation qui appelle des réaménagements internes et externes, qui impose de changer pour s’adapter. Il s’agit ici des étapes ordinaires de la vie : entrée dans l’adolescence, perspective de mariage, conception d’un enfant, sortie du nid familial lors des études ou d’un premier travail… Ce repérage est fondamental car il témoigne de perturbations normales de la vie, quoique excessives. La dépression, le processus chaotique traduit le travail de changement, de réaménagement qui est en cours chez ce patient. Il conduit à l’attitude thérapeutique : aider le patient à franchir ce passage difficile et non faire disparaître la dépression. Lorsque le patient a décidé d’interrompre un traitement en cours depuis plusieurs mois, il y a deux possibilités. La première est la plus intéressante pour le patient : il ne se passe rien ! Aucun symptôme n’apparaît. Parfois même le patient se sent mieux que lors de la prise de rendez-vous. L’hypothèse est que la dépression, le processus de changement était terminé, le traitement médicamenteux était poursuivi par sécurité ou par habitude. La thérapie se termine donc immédiatement avec des conseils de prudence et d’observation d’éventuels symptômes. Si le patient a un doute, il revient rapidement… La deuxième possibilité est la plus logique : les symptômes ayant justifié le traitement se manifestent de nouveau. Nous nous retrouvons dans le cas de figure général déjà évoqué. Nous étudierons plus loin la situation des patients qui sont toujours sous antidépresseurs lors de ce premier rendez-vous. Pour tous ceux dont le processus chaotique est repéré et évalué, il est temps de passer aux interventions thérapeutiques proprement dites.

Le premier entretien : interventions thérapeutiques

  1. Quelques métaphores, un peu d’hypnose conversationnelle… La dépression est décrite au patient comme un processus nécessaire à son évolution ; c’est une phase de changement qu’il convient d’accompagner au plus près, c’est un processus qui demande “un certain temps” pour arriver à son terme, pour qu’apparaissent le changement thérapeutique et la guérison. C’est parfois comme un chemin en montagne, entre deux vallées. Il monte, puis il descend, il monte encore… ça peut être pénible. Mais il est impossible de prévoir derrière quelle paroi se situe la vallée. Et le moment attendu vient avec surprise. C’est comme de naviguer entre les icebergs dans les mers australes, sans boussole. Toute progression devient impossible tant qu’une aide extérieure ne vient pas. Quelques conseils sur le bon cap, un peu de repos, l’eau se réchauffe tout doucement, il y a toujours des icebergs, mais moins gros, moins nombreux. Vous vous éloignez peu à peu de cette zone extrêmement dangereuse.
  2. Prescription de symptôme : je demande au patient de garder ses symptômes encore un jour, deux jours, une semaine selon leur intensité qui va déterminer le moment du deuxième rendez-vous. J’explique au patient que la deuxième séance sera plus simple si rien ne change. J’aime beaucoup la gène exprimée par ceux qui m’annoncent être désolés, que les symptômes ont été moins violents depuis quelques jours. “Pourtant, je n’ai rien changé !” Il m’arrive alors de leur faire savoir que ce n’est pas si grave qu’ils aillent mieux, mais qu’ils aillent doucement quand même. Cette prescription de symptôme est souvent combinée avec une prescription d’observation et d’auto-évaluation des symptômes. Chaque prescription renforce l’autre.
  3. Préparer un entretien de couple ou familial. Celui-ci sera très précoce, sous huit à quinze jours. L’entourage est d’autant plus disponible que les troubles sont aigus et intenses. Le système est très dynamique, très actif. L’heure est grave, tout le monde est sur le pont ! L’objectif est de renforcer la mobilisation et la cohésion du groupe familial ou du couple, de proposer des métaphores sur le processus en cours, d’inviter chacun à participer aux changements. Des choses très simples et de bon sens. Mais cette dépression sera aussi souvent le témoignage d’une perturbation grave dans ce couple et cette famille. Le processus chaotique en cours traduisant une tentative de changement, de création d’un nouvel équilibre, générant donc aussi des résistances plus ou moins visibles.
  4. Coloriage : j’ai pris l’habitude de demander de colorier des mandalas. Ce sont des dessins à motifs géométriques et répétitifs (comme le sont les rosaces d’église) utilisés depuis toujours avec des objectifs divers, décoratifs ou contemplatifs. Mon objectif est double. Permettre au patient de passer une heure avec un esprit calme ce qui est systématiquement induit par cette activité. Induire une régression en âge vers des moments très agréables. A peu près tout le monde a déjà colorié des mandalas et à peu près tout le monde y a trouvé du plaisir. Et trouver un peu de plaisir dans une phase de dépression aiguë… Mais aussi remettre un peu d’ordre dans son monde intérieur en prenant le temps de respecter les bords du dessin, en choisissant les couleurs, l’harmonie. Et ainsi retrouver quelques moments inestimables de contrôle dans un univers chaotique.
La deuxième séance

Son contenu dépendra de l’évolution pendant ces quelques jours. Lorsque les symptômes restent très intenses, le recours à l’hypnose formelle sous forme sédative est particulièrement utile et appréciée des patients. Il s’agit d’accentuer l’effet relaxant, apaisant ; de renforcer l’ancrage ici et maintenant ; d’aider le patient à construire un “lieu sûr”. Il est certain que l’hypnose ericksonienne dans sa forme douce et rassurante permettant au patient de se recaler le temps de la transe est très efficace. Une technique plus avancée sera aussi intéressante : la distorsion du temps permettant d’augmenter la durée subjective des phases de calme. Lorsque les symptômes ont évolué de manière sensible dans cet intervalle, il me paraît essentiel de ne pas utiliser de transe thérapeutique. Simplement le patient montre qu’il est en route vers son changement, ses solutions. Il n’a pas besoin d’être encombré par les idées ou conceptions du thérapeute. “Depuis que je vous ai rencontré, j’ai passé des moments épouvantables, mais aussi des moments où ça allait assez bien. Comme vous m’aviez prévenu que ce serait très variable, ça ne m’a pas inquiété comme avant.” Il convient alors d’attendre la prochaine séance : soit l’évolution se confirme, le processus de changement est en cours, la première séance a permis au patient de se recadrer ; soit l’évolution stagne ou une phase plus difficile est revenue alors le thérapeute pourra utiliser l’hypnose formelle comme détaillé plus haut.

Psychotropes

Si l’usage des antidépresseurs me paraît contraire dans ce cadre thérapeutique, j’accepte que les patients utilisent des anxiolytiques ; Il me semble que ces produits n’interfèrent pas avec le processus de changement et les patients ne leur n’attribuent pas leur évolution ; ils sont vécus comme une aide ponctuelle et non comme un traitement de la dépression. Si la plupart des patients n’en consomment pas, ceux qui les utilisent réduisent les doses de manière très importante jusqu’à s’en passer après quelques séances. Le concept de guérison, de solution stable dans le temps n’est pertinent que si le patient va bien sans médicament.

Évolution

L’évolution habituelle se fait en quelques jours à quelques semaines. Mais les premières indications de pertinence de l’attitude thérapeutique viennent le plus souvent dès la deuxième séance (parfois dès la première). En pratique si aucun changement n’est survenu dans les quatre semaines, après 5 ou 6 séances, je conseille au patient de rencontrer un autre thérapeute qui pourra lui prescrire des psychotropes. Cette situation survient chez environ 5 % des patients.
Premier entretien sous antidépresseurs
Nous avons évoqué ces patients qui arrivent à la première consultation avec leur traitement anti-dépresseur. Cet entretien va permettre d’évaluer avec eux une manière sécurisée de réduire puis d’interrompre le traitement afin de poser un diagnostic fiable. Il est parfois utile de se mettre en relation avec le médecin prescripteur et d’obtenir son accord. Après cette phase préalable, le protocole thérapeutique sera similaire à ce qui a été décrit précédemment. Ce protocole aussi pertinent soit il n’est applicable que par un thérapeute expérimenté. Expérimenté pour reconnaître cette forme de dépression, expérimenté dans sa pratique clinique habituelle, expérimenté dans son utilisation de l’hypnose. Un thérapeute qui débute dans l’un au moins ce trois domaines pourra dans un premier temps appliquer cette stratégie dans les situations les moins délicates et vérifier la validité de son travail. J’insiste ici de nouveau sur la disponibilité du thérapeute : là se trouve la plus importante limite du système thérapeutique.

Diagnostic

Classiquement les dépressions sont soit endogènes soit exogènes. Exogène, ou psychogène, lorsqu’il existe une cause repérable : choc affectif, épuisement, maladie somatique ou encore un événement mineur réactivant un conflit névrotique ancien. Endogène en absence habituelle de facteur déclenchant, le trouble témoignant d’un dysfonctionnement interne, biochimique, génétique… La dépression endogène est la classique mélancolie dont le seul nom fait, parfois à juste titre, frémir. Le diagnostic repose, outre l’ »absence » de facteur déclenchant, sur l’intensité et la fixité de la symptomatologie et la faible réactivité à la relation thérapeutique Peut-être le point le plus important est l’absence de demande de soins. Le mélancolique est en principe peu demandeur et les soins sont habituellement décidés par le médecin traitant et l’entourage. Face à un tel tableau, il est préférable de proposer un traitement classique basé sur les psychotropes et éventuellement une hospitalisation protectrice. Dans la dépression chaotique, nous pourrons retrouver l’aspect endogène et une symptomatologie sévère. Par contre, les symptômes sont instables, la qualité de l’interaction thérapeutique est bonne et la demande de soins, forte. En cas de doute, adopter une stratégie thérapeutique conventionnelle. En effet, l’idée même de mélancolie inhibe à coup sûr toute sérénité et créativité chez le thérapeute et rend impossible le protocole que nous proposons. Et le suicide ? La dépression est une maladie mortelle et la crainte d’un passage à l’acte doit toujours être présente dans la conduite à tenir. Les risques seront au mieux limités par une sédation de l’angoisse tenant pour une part à la tranquillité du thérapeute et à l’effet de l’hypnose. Limités aussi par l’implication de l’entourage dans la protection et la surveillance. Si le thérapeute doute, il induira son inquiétude au patient et renforcera la panique potentielle du patient, un peu comme un parent transmet son angoisse à son enfant démuni. Nous l’avons déjà signalé, il est alors préférable de recourir à une stratégie conventionnelle. Lorsque le diagnostic de dépression chaotique est établi, lorsque la relation thérapeutique est bonne, en confiance réciproque, lorsque la sédation anxieuse est effective, le risque suicidaire paraît faible. Une autre classification existe distinguant d’une part les dépressions agitées et anxieuses, d’autre part les dépressions inhibées. La conséquence est une attitude thérapeutique différenciée selon la symptomatologie (antidépresseurs sédatifs ou incisifs). Il est probable que cette observation se rapproche de la notre.

Une histoire

Gaëlle a 26 ans. Depuis 6 mois, elle ressent des étourdissements dans les lieux vastes, se sent triste, travaille avec beaucoup de difficultés de concentration. Elle est sous anxiolytiques et antidépresseurs depuis 4 mois. Il y a quelques semaines le tableau s’aggrave brutalement. Elle se réveille une nuit avec une tachycardie, des sueurs et surtout elle est terrifiée par des images de mort qui réapparaissent dés qu’elle ferme les yeux. Les troubles du sommeil deviennent intenses et certaines nuits, la terreur revient. Elle doit arrêter de travailler. Un nouveau traitement se montre inefficace. Au téléphone, compte tenu de l’inefficacité des psychotropes, elle accepte d’arrêter les antidépresseurs. Je la rencontre quelques jours plus tard. Elle est très angoissée, agitée, pleure. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive, elle n’a aucun antécédent particulier. L’interrogatoire met en évidence l’extrême variabilité des symptômes avec plusieurs pics dans la journée et plusieurs phases de calme. Les symptômes reviennent n’importe quand, n’importe où. Elle n’a plus goût à rien, se sent épuisée, ne sort plus, perd du poids. Elle est distante de son mari qui, lui ne sait plus quoi faire. Tous ces troubles rendent ce premier entretien très difficile. Sur le plan du contexte, j’apprends seulement qu’un oncle est mort, il y a quelques mois, juste avant les troubles. Je lui demande simplement de garder les symptômes quelques jours et d’observer attentivement la manière dont ils apparaissent et surtout la manière dont ils disparaissent. Je la revois trois jours plus tard avec son mari (il a pris une journée de congé). Elle est un peu moins paniquée. J’apprends alors qu’elle a depuis un an un diplôme en droit et qu’elle travaille dans une institution qui organise les soins hospitaliers, en particulier la création d’unité de soins palliatifs. Autrement dit depuis un peu moins d’un an, elle est confrontée à tout ce qui touche la fin de vie et la mort, évidemment sans aucune formation préalable. C’est un travail qui lui est très pénible. L’oncle est mort d’une tumeur au cerveau. Elle s’est mariée deux semaines après. Le diagnostic de dépression chaotique me semble évident. Le changement de cycle de vie aussi. Mais les troubles sont-ils secondaires à la mort de l’oncle, au mariage ou à l’immersion dans la vie active? Ceci pourrait nous emmener vers une belle discussion psychopathologique. Mais ce n’est pas ce qu’attends cette jeune femme. Nous parlons de ces changements dans leur vie, du processus de la dépression… Le mari semble se rassurer ; Quelques jours plus tard, elle semble un peu mieux. Surtout elle accepte mieux l’imprévisibilité de son état. Lors de la séance d’hypnose, elle se détend, s’apaise et retrouve pendant quelques minutes un bien être qu’elle ne connaissait plus depuis plusieurs mois. Elle a cependant été troublée par des formes noires à certains moments. À la séance suivante, elle est très différente. Les symptômes sont nettement moins intenses. Elle dort bien, mais il s’est passé une chose curieuse la première nuit : elle a rêvé qu’elle ouvrait un cercueil et entrait dedans ! Elle raconte ce rêve comme quelque chose de bizarre d’autant qu’elle n’a pas été terrifiée. Je la revois trois semaines plus tard, après ses vacances avec son mari. Elle va tout a fait bien, ses vacances ont été très agréables et « je me suis retrouvée avec mon mari ». Elle a repris son travail et pense qu’elle n’a plus besoin de moi. Au moment de partir, elle me surprend en me demandant des ouvrages de référence sur la mort car elle veut maintenant se documenter sur ce sujet. C’est, pour moi le meilleur signe de changement, qu’elle peut maintenant s’engager dans une nouvelle phase de sa vie. Elle n’a évidemment plus besoin de moi.

Conclusions

Le chaos que présentent de nombreux patients et que nous appelons “dépression” signe un processus de changement de phase dans la vie de ce patient. Ce processus sera respecté et accompagné pour aller vers son terme naturel. Si ce processus est intense et douloureux, il pourra aussi être très bref et discret. C’est ce même processus d’auto-guérison qui est à l’œuvre. Il produit une solution pertinente au bout d’un certain temps.
Le changement amène une disparition rapide des symptômes et une « guérison » stable
Les psychotropes sont le plus souvent néfastes, en particulier les antidépresseurs dont la nature est de s’opposer à ce processus interne.

L’hypnose est ici un outil fondamental, il permet au patient de retrouver un certain calme, de s’apaiser, de construire une zone de sécurité, un abri. Un abri pendant que ce travail interne se poursuit sous le contrôle et la vigilance du thérapeute.
Ce qui me permet de dire à ces patients : “vous avez de la chance : c’est une dépression !!!”

Bibliographie

BRIGGS John – PEAT F David. Un miroir turbulent. Guide illustré de la théorie du chaos. Interéditions. 1991
Collectif. L’ordre du chaos. Pour la science.1989
De ROSNAY Joel. Le macroscope. Seuil. 1975
GLEICK James. La théorie du chaos. Champs. Flammarion. 1991
HALEY Jay. Un thérapeute hors du commun. EPI 1984
KOESTLER Arthur. Le cri d’Archimède. Calmann-Levy. 1965
LEWIN Roger. La complexité. Une théorie de la vie au bord du chaos. Interéditions.1994
PIGNARRE Philippe. Comment la dépression est devenue une épidémie
PRIGOGINE Ilya. Les lois du chaos. Champs Flammarion. 1994
ROSSI Ernest. Du symptôme à la lumière. SATAS 2001
VIROT Claude. L’hypnose ou l’ordonnance : quel modèle pour quel changement. Actes du 1er Forum Francophone d’Hypnose et de Thérapies Brèves. Ed de l’Arbousier. 1998
VON BERTALANFFY Ludwig. Théorie générale des systèmes. Esf. 1982
STEWART Ian. Dieu joue t’il aux dés? Champs. Flammarion. 1992


source http://www.emergences-rennes.com/claude-virot/un-article-de-claude-virot-la-depression-chaotique/

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Dépressions, hypnose et thérapie brève Empty Hypnose médicale, la parenthèse anti-douleur

Message  Andrée Mar 1 Sep 2015 - 6:47

Bonjour,
lu sur
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Hypnose médicale, la parenthèse anti-douleur

27 août 2015

De plus en plus de soignants se forment à cette nouvelle prise en charge de la douleur et du stress.
Rencontre avec des soignantes du CHU de Bordeaux où l’hypnose médicale fait l’objet d’une formation.

Arrow
http://www.actusoins.com/25699/hypnose-medicale-parenthese-anti-douleur.html

Andrée

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