Troubles bipolaires : où en est la science ?
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Troubles bipolaires : où en est la science ?
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Troubles bipolaires : où en est la science ?
Par Yann Verdo le 24/02/14
Face à ce trouble de l’humeur qui provoque nombre de suicides, la recherche progresse. Et permet d’envisager un traitement plus personnalisé de la maladie.
On l’appelait jadis la « psychose maniaco-dépressive », on parle désormais de « troubles bipolaires ».
Mais, au-delà de ce changement de dénomination, la maladie est restée la même.
Et la souffrance morale qu’elle entraîne aussi. On estime à une personne sur trois le nombre de personnes qui seraient atteintes de cette maladie en France, les faisant sans cesse osciller entre phases d’excitation anormale et de profond abattement.
Encore cette estimation sous-estime-t-elle très probablement la réalité car les troubles bipolaires, variés et difficiles à diagnostiquer, sont souvent confondus avec d’autres pathologies.*
A commencer par la dépression : beaucoup parmi les 3 millions de personnes de 15 à 75 ans diagnostiquées dépressives dans notre pays (8 % de la tranche d’âge) souffrent en réalité d’un trouble bipolaire.
Un mal qui peut aussi se cacher derrière l’hyperactivité des enfants, les troubles anxieux comme les TOC ou les phobies, voire la schizophrénie : par opposition aux troubles bipolaires de type 2, caractérisés par de graves épisodes dépressifs mais des épisodes maniaques plus rares et de plus faible intensité (on parle plutôt en ce cas d’hypomanie), les troubles bipolaires de type 1, dans lesquels la dépression est moins présente, présentent des épisodes maniaques extrêmement marqués pouvant aller jusqu’aux délires psychotiques et aux hallucinations auditives qui sont généralement le lot des schizophrènes.
Fusion vésiculaire
Loin de se confondre avec les ordinaires hauts et bas de l’humeur, que nous éprouvons tous et qui sont anodins, les troubles bipolaires constituent une véritable maladie mentale, classée dans le registre des psychoses.
Face à cette maladie, la recherche médicale progresse.
Dès les années 1980, les études sur les jumeaux ont montré que les troubles bipolaires avaient une forte composante génétique ; on pense aujourd’hui qu’ils naissent de l’interaction d’une vulnérabilité d’origine génétique avec des facteurs environnementaux, comme un événement traumatisant.
Mais, jusqu’à une date récente, on ignorait encore tout ou presque des mécanismes par lesquels le génome d’un individu favorisait ou non l’apparition d’un trouble bipolaire.
Lauréat 2012 du prix Marcel-Dassault pour la recherche sur les maladies mentales (catégorie « projet d’innovation »), le généticien Stéphane Jamain, de l’Inserm, mène depuis quelques années à l’hôpital Chenevier-Mondor une série d’études génétiques visant à répondre à cette question.
Son équipe et lui se sont focalisés sur les troubles bipolaires « à début précoce », dont les premiers symptômes apparaissent en moyenne à l’âge de 17 ans et qui sont aussi les plus sévères.
« Plus familiales, ces formes sont celles dans lesquelles la composante génétique joue le plus fortement et elles constituent un sous-groupe homogène au sein de la vaste nébuleuse des troubles bipolaires », explique Stéphane Jamain.
Ses recherches ont porté sur deux familles de gènes impliqués dans la neurotransmission – la circulation de l’information à l’intérieur du cerveau. Pour passer d’un neurone à l’autre, tous les neurotransmetteurs ont besoin d’être encapsulés dans une vésicule ; arrivée à l’extrémité de l’axone, celle-ci doit fusionner avec la membrane présynaptique pour libérer son précieux contenu, qui sera ensuite capté par les récepteurs du neurone suivant.
C’est sur ce mécanisme de fusion vésiculaire qu’influent les deux familles de gènes identifiées par l’équipe de Stéphane Jamain, dont le Snap 25.
Si on supprime ce gène chez une souris, elle meurt immédiatement par déficit respiratoire (l’absence totale de neurotransmission fait que la souris « oublie » en quelque sorte de respirer). Mais si on ne fait que diminuer de moitié l’expression de ce même gène, la souris, tout en restant viable, tourne comme une folle dans sa cage. Même suractivité si on surexprime au contraire le gène Snap 25.
Le rapport avec les bipolaires n’est pas aussi lointain qu’on pourrait le penser, puisque les malades atteints de formes à début précoce présentent tous une altération de ce gène.
« Ce que cette expérience montre, commente Stéphane Jamain, c’est que la neurotransmission est une machinerie extrêmement complexe et sensible. Mieux comprendre son fonctionnement nous permettra de proposer des traitements ciblés, en compensant par l’injection d’une molécule spécifique un déficit de neurotransmetteur lui-même spécifique. »
Un ovni nommé « lithium »
Cette démarche est aussi celle du Pr Frank Bellivier, responsable des services de psychiatrie et de médecine addictologique à Saint-Louis-Lariboisière et lauréat 2013 du même prix Marcel-Dassault.
Frank Bellivier ne s’intéresse pas aux causes de la maladie mais à son traitement.
Découvert fortuitement dans les années 1950, l’effet des sels de lithium sur la régulation de l’humeur des bipolaires est impressionnant : les symptômes s’atténuent chez 60 % des patients et disparaissent tout à fait pour la moitié d’entre eux.
Mais il existe aussi 40 % de non-répondeurs, pour lesquels un autre thymorégulateur (ou régulateur de l’humeur), comme le valproate, devra finalement être prescrit.
Problème : ce n’est en moyenne qu’au bout de deux ans de traitement – pendant lesquels le patient continue à souffrir et à mettre sa vie en danger, les conduites suicidaires étant très fréquentes chez les bipolaires – qu’on peut dire si le lithium est efficace sur une personne.
Or, on ne sait rien de l’origine de cette variabilité d’une personne à une autre – pas plus d’ailleurs qu’on ne comprend comment le lithium, qui reste à bien des égards un ovni dans la pharmacopée psychiatrique, agit sur l’humeur.
Pour y voir plus clair, Frank Bellivier et son équipe ont décidé, faute d’avoir accès au cerveau des malades, d’étudier l’effet du lithium sur des cellules sanguines (lymphocytes) dont on pense qu’elles se rapprochent sur ce plan des neurones.
Pour ce faire, ils ont mis en culture des lymphocytes de bipolaires répondant bien au lithium et de bipolaires y restant totalement insensibles, puis ils ont injecté du lithium dans ces deux groupes de cellules et observé ce qui se passait.
L’étude est en cours et n’a livré pour l’instant que des résultats préliminaires. Mais ceux-ci sont encourageants, indique Frank Bellivier : « Le lithium a clairement un effet sur la transcription de l’ADN en ARN messager », ce mécanisme à la base de la synthèse des protéines qui régissent notre métabolisme.
Là encore, l’espoir qui sous-tend ces travaux est de permettre un traitement plus ciblé, et donc plus efficace, de la maladie.
Si l’on détecte dans le génome d’une personne un marqueur indiquant qu’il sera insensible au lithium, inutile d’attendre deux ans avant d’agir.
Responsable du pôle de psychiatrie à l’hôpital Chenevier-Mondor et directrice du réseau de coopération scientifique FondaMental, Marion Leboyer se veut optimiste : « Ce genre de recherche constitue un premier pas vers la médecine personnalisée. Nous allons enfin pouvoir cesser de calquer nos prescriptions sur les recommandations des “guide-lines” internationaux. »
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/grande-consommation/actu/0203311565828-troubles-bipolaires-ou-en-est-la-science-652416.php?xtor=RSS-2005
Troubles bipolaires : où en est la science ?
Par Yann Verdo le 24/02/14
Face à ce trouble de l’humeur qui provoque nombre de suicides, la recherche progresse. Et permet d’envisager un traitement plus personnalisé de la maladie.
On l’appelait jadis la « psychose maniaco-dépressive », on parle désormais de « troubles bipolaires ».
Mais, au-delà de ce changement de dénomination, la maladie est restée la même.
Et la souffrance morale qu’elle entraîne aussi. On estime à une personne sur trois le nombre de personnes qui seraient atteintes de cette maladie en France, les faisant sans cesse osciller entre phases d’excitation anormale et de profond abattement.
Encore cette estimation sous-estime-t-elle très probablement la réalité car les troubles bipolaires, variés et difficiles à diagnostiquer, sont souvent confondus avec d’autres pathologies.*
A commencer par la dépression : beaucoup parmi les 3 millions de personnes de 15 à 75 ans diagnostiquées dépressives dans notre pays (8 % de la tranche d’âge) souffrent en réalité d’un trouble bipolaire.
Un mal qui peut aussi se cacher derrière l’hyperactivité des enfants, les troubles anxieux comme les TOC ou les phobies, voire la schizophrénie : par opposition aux troubles bipolaires de type 2, caractérisés par de graves épisodes dépressifs mais des épisodes maniaques plus rares et de plus faible intensité (on parle plutôt en ce cas d’hypomanie), les troubles bipolaires de type 1, dans lesquels la dépression est moins présente, présentent des épisodes maniaques extrêmement marqués pouvant aller jusqu’aux délires psychotiques et aux hallucinations auditives qui sont généralement le lot des schizophrènes.
Fusion vésiculaire
Loin de se confondre avec les ordinaires hauts et bas de l’humeur, que nous éprouvons tous et qui sont anodins, les troubles bipolaires constituent une véritable maladie mentale, classée dans le registre des psychoses.
Face à cette maladie, la recherche médicale progresse.
Dès les années 1980, les études sur les jumeaux ont montré que les troubles bipolaires avaient une forte composante génétique ; on pense aujourd’hui qu’ils naissent de l’interaction d’une vulnérabilité d’origine génétique avec des facteurs environnementaux, comme un événement traumatisant.
Mais, jusqu’à une date récente, on ignorait encore tout ou presque des mécanismes par lesquels le génome d’un individu favorisait ou non l’apparition d’un trouble bipolaire.
Lauréat 2012 du prix Marcel-Dassault pour la recherche sur les maladies mentales (catégorie « projet d’innovation »), le généticien Stéphane Jamain, de l’Inserm, mène depuis quelques années à l’hôpital Chenevier-Mondor une série d’études génétiques visant à répondre à cette question.
Son équipe et lui se sont focalisés sur les troubles bipolaires « à début précoce », dont les premiers symptômes apparaissent en moyenne à l’âge de 17 ans et qui sont aussi les plus sévères.
« Plus familiales, ces formes sont celles dans lesquelles la composante génétique joue le plus fortement et elles constituent un sous-groupe homogène au sein de la vaste nébuleuse des troubles bipolaires », explique Stéphane Jamain.
Ses recherches ont porté sur deux familles de gènes impliqués dans la neurotransmission – la circulation de l’information à l’intérieur du cerveau. Pour passer d’un neurone à l’autre, tous les neurotransmetteurs ont besoin d’être encapsulés dans une vésicule ; arrivée à l’extrémité de l’axone, celle-ci doit fusionner avec la membrane présynaptique pour libérer son précieux contenu, qui sera ensuite capté par les récepteurs du neurone suivant.
C’est sur ce mécanisme de fusion vésiculaire qu’influent les deux familles de gènes identifiées par l’équipe de Stéphane Jamain, dont le Snap 25.
Si on supprime ce gène chez une souris, elle meurt immédiatement par déficit respiratoire (l’absence totale de neurotransmission fait que la souris « oublie » en quelque sorte de respirer). Mais si on ne fait que diminuer de moitié l’expression de ce même gène, la souris, tout en restant viable, tourne comme une folle dans sa cage. Même suractivité si on surexprime au contraire le gène Snap 25.
Le rapport avec les bipolaires n’est pas aussi lointain qu’on pourrait le penser, puisque les malades atteints de formes à début précoce présentent tous une altération de ce gène.
« Ce que cette expérience montre, commente Stéphane Jamain, c’est que la neurotransmission est une machinerie extrêmement complexe et sensible. Mieux comprendre son fonctionnement nous permettra de proposer des traitements ciblés, en compensant par l’injection d’une molécule spécifique un déficit de neurotransmetteur lui-même spécifique. »
Un ovni nommé « lithium »
Cette démarche est aussi celle du Pr Frank Bellivier, responsable des services de psychiatrie et de médecine addictologique à Saint-Louis-Lariboisière et lauréat 2013 du même prix Marcel-Dassault.
Frank Bellivier ne s’intéresse pas aux causes de la maladie mais à son traitement.
Découvert fortuitement dans les années 1950, l’effet des sels de lithium sur la régulation de l’humeur des bipolaires est impressionnant : les symptômes s’atténuent chez 60 % des patients et disparaissent tout à fait pour la moitié d’entre eux.
Mais il existe aussi 40 % de non-répondeurs, pour lesquels un autre thymorégulateur (ou régulateur de l’humeur), comme le valproate, devra finalement être prescrit.
Problème : ce n’est en moyenne qu’au bout de deux ans de traitement – pendant lesquels le patient continue à souffrir et à mettre sa vie en danger, les conduites suicidaires étant très fréquentes chez les bipolaires – qu’on peut dire si le lithium est efficace sur une personne.
Or, on ne sait rien de l’origine de cette variabilité d’une personne à une autre – pas plus d’ailleurs qu’on ne comprend comment le lithium, qui reste à bien des égards un ovni dans la pharmacopée psychiatrique, agit sur l’humeur.
Pour y voir plus clair, Frank Bellivier et son équipe ont décidé, faute d’avoir accès au cerveau des malades, d’étudier l’effet du lithium sur des cellules sanguines (lymphocytes) dont on pense qu’elles se rapprochent sur ce plan des neurones.
Pour ce faire, ils ont mis en culture des lymphocytes de bipolaires répondant bien au lithium et de bipolaires y restant totalement insensibles, puis ils ont injecté du lithium dans ces deux groupes de cellules et observé ce qui se passait.
L’étude est en cours et n’a livré pour l’instant que des résultats préliminaires. Mais ceux-ci sont encourageants, indique Frank Bellivier : « Le lithium a clairement un effet sur la transcription de l’ADN en ARN messager », ce mécanisme à la base de la synthèse des protéines qui régissent notre métabolisme.
Là encore, l’espoir qui sous-tend ces travaux est de permettre un traitement plus ciblé, et donc plus efficace, de la maladie.
Si l’on détecte dans le génome d’une personne un marqueur indiquant qu’il sera insensible au lithium, inutile d’attendre deux ans avant d’agir.
Responsable du pôle de psychiatrie à l’hôpital Chenevier-Mondor et directrice du réseau de coopération scientifique FondaMental, Marion Leboyer se veut optimiste : « Ce genre de recherche constitue un premier pas vers la médecine personnalisée. Nous allons enfin pouvoir cesser de calquer nos prescriptions sur les recommandations des “guide-lines” internationaux. »
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/grande-consommation/actu/0203311565828-troubles-bipolaires-ou-en-est-la-science-652416.php?xtor=RSS-2005
Andrée- Nombre de messages : 2268
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Date d'inscription : 22/05/2013
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