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Le communautarisme antipsychiatrique

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Message  Invité Ven 25 Mai 2012 - 10:28

Le communautarisme antipsychiatrique Psychologies

Le communautarisme antipsychiatrique
Richard Horowitz - Article publié le 09/05/2012

Les mots changent de sens : quand on parlait d’antipsychiatrie, on évoquait jadis de fortes expériences, plus ou moins achevées, mais alliant généreusement patients et soignants dans un vaste mouvement libératoire de désaliénation et de lutte contre l’enfermement. La destruction de l’asile de Trieste en était le symbole, la loi italienne (dite loi 180) de fermeture des hôpitaux psychiatriques l’achèvement (1).

De même le terme de psychiatrie communautaire renvoyait à un autre mouvement anglais, puis français, prônant la prise en charge des malades psychiatriques au sein de petites communautés rurales ou urbaines (mouvement des appartements thérapeutiques) plutôt que dans les mégalopoles asilaires nées au XIXe siècle (2).

Aujourd’hui nous vivons sous l’emprise d’un tout autre « communautarisme antipsychiatrique ». Il s’est constitué autour d’une myriade de petits groupes de patients et de leurs proches, étroitement regroupés pour contester l’organisation officielle des soins.

C’est le règne proclamé d’une « expertise profane » quelque peu caricaturée, ou comme on peut souvent le lire sur certains blogs : « nul autre ne sait mieux ce qui est bon pour un malade, qu’un autre malade ou ses parents… » (3)

De plus l’implosion des grandes catégories psychiatriques, venue des USA il y a plus de vingt ans, a largement favorisé ce mouvement. Comme nous avions les Weight Watchers ou les Alcooliques Anonymes (4) nous avons ainsi vu naître les associations les plus variées : parents d’élèves dyslexiques, dysgraphiques ou dysorthographiques, hyperactifs, groupes de soutien aux porteurs de TOC, clubs de surdoués, et bien sûr, les parents d’autistes qui défraient la chronique régulièrement. A chaque pathologie son, ou ses groupes, d’influence.

Soyons justes : le phénomène a toujours existé, porté par le droit d’association et le compréhensible besoin de partager douleur morale et difficulté matérielle. Qu’on songe à la part prise par l’UNAFAM (Union des amis et familles de malades psychiques), les associations de Croix-Marine et d’autres (5).

Le monde associatif, et principalement ses bénévoles, a ainsi largement épaulé l’effort de professionnels souvent démunis, ou s’est substitué efficacement à un Etat pas encore providence pour tous.

De plus la grande majorité de ces groupes établissent petit à petit des relations de coopération plus harmonieuse avec les spécialistes : nombre d’associations de parents d’autistes s’impliquent dans la promotion de projets novateurs ou la gestion d’établissement. Les incompréhensions entre pédopsychiatres, neuropédiatres et parents d’enfants présentant des troubles spécifiques du langage s’estomperont probablement.

Reste la frange la plus extrême des associations de parents d’autistes.

Le très décrié Bruno Bettelheim parlait de forteresse vide. L’image ne vaut plus, au moins au plan sociétal : peu nombreux mais efficacement organisés, arrimés à leurs convictions, murés dans leurs certitudes, ces groupes renforcent constamment leur radicalité et leur isolement.

Mus par une curieuse tentation identificatoire, certains parents en sont arrivés à tenter, parfois avec succès, de se faire diagnostiquer eux-mêmes d’une pathologie proche de celle de leur enfant (en général syndrome d’Asperger, syndrome autistique de haut niveau, catégorie floue et incertaine dans ses limites, y compris, dans les classifications internationales (6))… manière de partager un peu plus avec leur enfant ou suggestion d’une incidence génétique qui demeure hypothétique ?

Identificatoire mais non identitaire… la limite, en France à cette radicalisation demeure une distance avec les mouvements américains style « autism pride » ou neurodiversité (7). Il est vrai que ceux-ci recrutent, quasi exclusivement, dans les autistes de haut niveau ce qui restreint leur champ. De plus, leur vision totalement « dépathologisée » de l’autisme (celui-ci devient une sorte de manière atypique d’être au monde) n’offre guère de débouchés à des familles qui souffrent et réclament un système de soins, même si c’est pour en contester tant sa forme que son contenu.

Il n’en demeure pas moins, qu’ainsi retranchés, ils usent, au service de leur cause, de tous les moyens : lobbying, communication effrénée, requêtes juridiques incessantes, pressions et attaques personnelles.

Ici, point de soutien aux professionnels ou de complémentarité avec l’Etat : les premiers demeurent sous suspicion permanente d’incompétence ou d’intérêts peu avouables, les pouvoirs publics sont éternellement soupçonnés de gabegie et d’incurie dans la répartition des crédits.

Car il s’agit bien de cela : réorienter l’intégralité des subsides vers une seule et unique approche, de type éducative, alors que tous les soignants savent maintenant d’expérience que chaque enfant demande tout un ensemble de soins divers et adaptés : éducatifs certes mais aussi cognitifs, psychologiques et médicaux alliés à un mode de scolarisation et de socialisation ad hoc.

Les derniers épisodes (diffusion puis interdiction du film Le Mur, amendement du député Fasquelle, mise en cause du Pr Delion, etc...) ont bien illustré le militantisme mais aussi l’inquiétant dogmatisme de ces groupes.

Vouloir utiliser le droit de choix de chaque parent, dans le cadre des pratiques préconisées et validées, est une chose.

Prétendre interdire aux praticiens telle ou telle pratique ou exercer, à partir d’une légitimité contestable et des moyens aussi peu orthodoxes, une pression sur les choix de la collectivité, semble plus discutable.

Encadrer et restreindre la créativité des cliniciens et des chercheurs en mettant à l’index telle ou telle conception théorique n’est guère tolérable.

Là est la dérive auquel concourt le repli de ces groupes : animés par leur réel souci de leurs enfants, leur logique clanique (8 ), obsidionale, distord complètement leurs rapports avec l’extérieur, toujours invalidé et vécu comme hostile ou insensible à leur détresse.

L’équilibre tripartite antérieur, certes toujours fragile, qui réunissait usagers, professionnels et pouvoir publics trouve ainsi ses limites et le dialogue indispensable sur des sujets aussi sensibles n’existe plus, faute de l’indispensable sérénité.

Au contraire du but recherché on s’enlise ainsi dans de vaines polémiques au détriment des jeunes et de leurs familles…

(1) Sur les débuts de l’expérience italienne lire Franco Basaglia, L’institution en négation, Le Seuil, 1970

(2) Cf l’expérience lyonnaise de Jacques Hochmann in Pour une psychiatrie communautaire, Paris, Le Seuil, 1971

(3) Le concept d’expertise profane principalement développée autour de la lutte contre le VIH, illustre l’implication des patients dans la recherche et l’action. Cf notamment « Le nouvel esprit de la démocratie » de Loic Blondiaux (La république des idées, Seuil, 2008), où il souligne l’intérêt plus prononcé de certains groupes pour l’influence que pour la substance…

(4) Bien sûr on ne saurait comparer les deux, le point qui nous intéresse ici est leur adossement à la notion « d’autosupport ».

(5) Je fais ici allusion à la part historique prise par ces associations dont, plus l’institutionnalisation avançait, plus leur représentativité d’association défendant les droits des patients s’est trouvé contestée par d’autres groupes (ex : GIA groupe information Asile).

(6) Ainsi la CIM 10 (classification de l’OMS) parle à son sujet de « catégorie nosologique incertaine » et le DSM-IV, plus joliment, de tableau clinique, se situant sur « un continuum sans rupture qui se confond à l’extrême avec la normalité »… Il est très possible que le syndrome d’Asperger voie son champ très rétréci, de par la révision des critères diagnostiques, dans le futur DSM 5.

(7) Cf Sarah Chiche : Fiers d’être autistes : la neurodiversité, un mouvement polémique in Cercle psy Janvier 2011

(8 ) Dans cette optique de proximité, le premier intitulé d’une de ces associations, « Lea pour Samy », est assez parlant.

commentaires sur l'article Arrow http://le-cercle-psy.scienceshumaines.com/le-communautarisme-antipsychiatrique_sh_28912

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