Internet, c’est une machine à bouleverser les secrets de famille
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Internet, c’est une machine à bouleverser les secrets de famille
« Internet, c’est une machine à bouleverser les secrets de famille »
Emilie Brouze
Journaliste
Publié le 28/04/2013 à 10h58
« Vous vous intéressez au secret ? Vous devez en avoir, alors », provoque Serge Tisseron, en m’accueillant. Le psychiatre et psychanalyste qui reçoit dans son appartement parisien a l’habitude des confidences : c’est l’un des grands spécialistes des secrets de famille.
L’homme est connu pour avoir révélé celui de Hergé : en lisant « Les Aventures de Tintin » avec son fils, au début des années 80, d’étranges détails l’intriguent. En analysant les personnages et les histoires, Serge Tisseron démontre qu’un secret parcourt l’œuvre de l’auteur de BD : celui d’un garçon non reconnu par son père, un homme illustre.
Le secret est divulgué plus tard dans une autobiographie de Hergé – son père est né d’un géniteur inconnu, probablement un roi de Belgique.
« Les gens adorent raconter leurs secrets »
Serge Tisseron est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet dont un dernier petit livre instructif et croustillant, « Les Secrets de famille », publié chez « Que sais-je ? » (éd. PUF, 2011).
Depuis quelques mois, je recueille des secrets d’anonymes sur un blog, Ne le dis à personne, en essayant, à travers ces histoires, de parler de nos tabous, nos relations sociales ou familiales. Moi qui pensais que l’exercice de faire causer serait ardu, erreur : il y a cette petite lueur de défi chez les porteurs de secrets, qui tout en assurant ne rien vouloir dire ont envie de parler et finissent par le faire.
Le paradoxe fait sourire Serge Tisseron : « Les gens adorent raconter leurs secrets. »
Rue89 : Quelles sont les limites d’un secret ?
Serge Tisseron : On distingue deux types de secrets. Ceux de la vie courante, nécessaires à la préservation de l’intimité, qui permettent par exemple d’éviter de donner des explications qui pourraient être mal perçues. Ils sont très importants car ils nous permettent de nous protéger.
SECRET DE FAMILLE
« Un secret se constitue à chaque fois que quelque chose est caché et qu’il est interdit de savoir de quoi il s’agit, voire de pouvoir penser que quelque chose est caché », écrit Serge Tisseron dans « Les Secrets de famille ». A ces deux éléments s’ajoute une dernière condition : le secret doit concerner un évènement douloureux.
Et puis il y a les autres : les secrets de famille qui préoccupent, qui pèsent dans la vie familiale et, par ricochet, dans celles des descendants...
Dans cette catégorie, il y a les secrets qui parlent au porteur et ceux qu’il se cache à lui-même.
Un de mes premiers patients, dans les années 70, cachait à ses enfants qu’il était au chômage. Chaque matin, il faisait semblant d’aller travailler. Ces derniers l’avaient senti et curieusement, ils ne travaillaient plus à l’école.
Une personne peut ne pas parler d’un secret parce que c’est trop dur pour lui : soit parce que c’est lié à un évènement objectivement traumatisant, soit car c’est lié à un évènement vécu par la personne comme un drame. Il y a deux ans, j’ai rencontré des gagnants de la Française des jeux qui n’ont rien dit à leur famille pendant un an, deux ans, dix ans... Des gens qui ont parfois gagné 120 millions d’euros mais qui continuent à aller tous les jours au boulot pour 2 000 euros par mois. C’était un évènement, pour eux, vécu comme traumatisant.
Il y a donc les secrets dont on ne veut pas parler et les secrets que l’on cache à soi-même. La différence est très importante. Quand on pressent un secret, on ne sait jamais si la personne qu’on questionne a décidé de ne pas en parler ou s’il s’agit d’un secret qui ne parle même pas à lui-même. Il faut faire attention : on peut provoquer des pleurs, voire pire.
Quand une religieuse qui était au Rwanda au moment du génocide est rentrée en France, ses collègues se sont relayées pour la faire parler sur ce qu’elle avait vécu... Ce qu’elle a fini par faire : elle a succombé à une crise cardiaque.
Quand on ne sait pas, il ne faut jamais forcer quelqu’un à parler : on peut le replonger dans la détresse.
L’une des choses les plus importantes, c’est qu’un porteur de secret est partagé entre parler ou se taire : ça va osciller entre l’un et l’autre et provoquer des comportements bizarres. C’est ce que j’appelle les suintements du secret. Ces suintements, c’est ce qui va faire comprendre à un enfant, par exemple, qu’on lui cache quelque chose.
Il y a ensuite deux séries d’effets :
l’enfant vit dans l’insécurité : un enfant d’une famille à secrets va apprendre à se taire ;
l’enfant va imaginer ce qu’on lui cache et organiser sa propre vie en fonction. Par exemple, un enfant qui croit que son grand-père a fait quelque chose de mal va constamment essayer de le racheter ou un enfant qui pense être adopté va éviter de parler de sa naissance...
Comment se manifestent ces suintements ?
Les suintements sont partout. J’avais une patiente à qui son fils, quand il était petit, demandait toujours l’histoire de « La Chèvre de M. Seguin ». Un jour, elle lui a demandé pourquoi et il a répondu : « Je voulais voir le visage du loup. » Car en racontant la nouvelle, sa mère racontait sa propre histoire, son traumatisme – elle avait été violée. Sans comprendre la nature du secret, l’enfant l’avait senti.
Une autre de mes patientes avait un pavillon en petite banlieue et un jour, un voisin a construit en face une bâtisse qui faisait de l’ombre à son jardin. Elle a fait procès sur procès pour la déconstruire, en allant jusqu’à dilapider son héritage. Elle me disait qu’en voyant cette ombre sur le jardin, elle avait l’impression de revivre son traumatisme (son oncle avait abusé d’elle).
« Pour mon oncle, je me suis tue, je ne me tairai pas pour le pavillon. »
Le suintement peut aussi être un comportement absurde du point de vue des proches, qui met la puce à l’oreille aux enfants.
A l’inverse, il y a les « faux secrets ». Vous racontez dans votre livre, l’histoire de cette tante qui, sur son lit de mort, souffle à son neveu qu’il n’est pas le fils de son père officiel. Après test ADN, le neveu découvre pourtant que c’est bien le cas...
Il ne faut jamais croire ce qu’on nous raconte. Quand on rapporte un secret non vécu, qui concerne par exemple la génération précédente, il ne faut pas dire que c’est la vérité mais « c’est ce que j’ai cru comprendre ». Car la vérité est parfois inaccessible et il peut s’agir de ce qu’on a imaginé du secret, sans certitudes.
Il faut cheminer ensemble, dans une famille et entre les générations, pour aboutir à une version partagée et plausible d’un secret.
Le secret ne s’oppose pas à la vérité mais à la communication.
Est-ce qu’il existe des bons et des mauvais secrets ?
Oui. Il y a ceux qui nous protègent, qui protègent notre intimité psychique. Chacun a le droit au secret, à avoir une vie privée. Dans une démocratie, la loi nous le garantit, sans pour autant nous empêcher de rendre publique notre vie privée si on le souhaite.
Les mauvais secrets sont ces évènements dont on ne veut pas se souvenir, car traumatiques, oubliés, mais qui reviennent constamment. Je pense par exemple à une vieille dame qui a vécu l’exode, pendant la Seconde Guerre mondiale. Un jour, elle est allée au cinéma voir « Pétain » où on aperçoit à un moment une colonne de réfugiés se faire mitrailler. Le film a réactivé ses souvenirs : elle a vomi dans la salle et a fait un malaise.
Avec les mauvais secrets, il y a le risque d’être victime d’un retour de secret. Dans l’environnement audiovisuel actuel, avec les journaux, la télé, c’est pratiquement impossible que ce secret ne soit pas réactivé à un moment... On ne peut plus se cacher de nos secrets.
Faut-il en parler, de ces mauvais secrets, pour s’en libérer ?
Les porteurs de secrets doivent déjà se réconcilier avec eux-mêmes avant d’en parler à un proche. Il faut être capable de le formuler sans hurler, sans brutalité... Se mettre en paix avec son secret. Pour cela, le mieux est d’en parler à un psychothérapeute ou avec quelqu’un à qui on fait confiance et qui est capable de supporter la confidence.
Ce n’est pas le contenu d’un secret qui perturbe, c’est plutôt la charge émotionnelle qui l’accompagne et qu’il faut apprendre à réduire. Pour que ce ne soit pas traumatisant pour les enfants, il faut parler de manière apaisée, avec du recul. Avec les enfants, il faut répondre à leurs questions et laisser en suspens ce qu’ils ne demandent pas pour le moment. Ce n’est pas compliqué. Je sais de quoi je parle : j’en ai plein dans ma famille.
Avec un secret dans la famille, la communication n’est plus authentique : on fait attention à ne rien laisser transparaître, à ce que la langue ne fourche pas... Le plus important, c’est de rétablir une bonne communication.
Est-ce qu’un enfant né dans une famille à secrets aura tendance à devenir un adulte secret ?
Oui. Un enfant qui pressent un secret va, plus grand, avoir des secrets. Il va même parfois se fabriquer des secrets qui n’ont parfois pas d’autre utilité que d’être secrets.
On m’a reproché de dire qu’un secret, dans une famille, est toujours un secret de Polichinelle – tout le monde le sait mais personne n’en parle. Mais derrière le secret de Polichinelle, il y a souvent un vrai secret dont on ne parle pas.
Beaucoup de familles sont marquées par le secret. La plupart concernent les circonstances de la naissance (adoption, enfant illégitime, etc.) et la mort (toxicomanie, suicide, etc.).
Les secrets évoluent car les mœurs évoluent. Prenez la tuberculose : à l’époque, les enfants de tuberculeux ne trouvaient ni mari, ni femme, ils se cachaient. C’était souvent secret. On peut aussi parler de l’homosexualité, qui est devenue moins taboue, ou de l’avortement.
Il y a moins de secrets de nos jours ?
Non. Il y a toujours autant de traumatismes, donc de secrets. Beaucoup sont liés à la maltraitance, surtout sexuelle.
Il y a des secrets auxquels on a échappé : autour du sida, par exemple, grâce aux traitements et au formidable travail d’Act Up pour éviter la marginalisation des malades.
On peut également citer une nouvelle catégorie de secrets, autour de la procréation médicalement assistée (PMA) car l’Etat, en refusant de lever l’anonymat des donneurs, encourage les parents à ne rien dire.
Internet a-t-il eu une influence sur les secrets ?
Internet, c’est une machine à bouleverser les secrets. Avant, le porteur de secrets parlait à sa famille, à son entourage proche et moins proche. Avec Internet, on peut diffuser un secret sans passer par la famille.
Je me souviens d’un grand-père qu’on soupçonnait d’avoir joué dans un film de propagande en 1943. Le petit-fils a la curiosité de taper son nom sur Internet et découvre toutes les actions de collaboration du grand-père.
Aujourd’hui, une famille peut préserver un secret en son sein, même s’il est en libre accès en public. Internet est aussi une machine à connaissance généalogique... En cherchant dans les archives en ligne, on peut trouver que son grand-père a déserté. Il faut chercher.
Le secret peut-il être collectif ?
Aucun secret familial ne s’enracine s’il n’est pas collectif. Le secret est lié à l’intimité mais aussi à une situation sociale. C’est parce que l’avortement était interdit qu’il était source de secrets. L’alcoolisme, il y a quelques années, était davantage lié à une faute et donc source de secrets. Le fait qu’un événement, dans un pays, soit vécu comme honteux ou coupable influe sur les secrets. C’est pour ça que tous les pays ont les secrets qu’ils méritent.
Vous racontez dans votre livre que certains secrets obéissent à la logique des secrets de famille, à l’échelle d’un peuple.
Nombreux sont les gouvernements qui imposent la loi du silence sur certains événements graves de leur histoire. Je pense au massacre de Katyn, en Pologne.
En 1940, les Russes massacrent en secret des officiers polonais dans la forêt de Katyn. Quelques années plus tard, quand ils se présentent comme les libérateurs du peuple polonais, ils rendent responsables les Allemands du massacre. En Pologne, il sera obligatoire de dire que les officiers ont été exécutés par les nazis et non les Russes. Les Polonais qui refusent de le croire sont menacés, emprisonnés ou assassinés. C’est rare un secret où tout un peuple est invité à penser le contraire de la vérité.
Le propre de la dictature, c’est de refuser le droit au secret aux citoyens. « Tout ce que vous faites dans la vie privée concerne aussi l’Etat. »
Que faire si on a l’impression « qu’on nous cache quelque chose » ?
Première chose : poser des questions. Souvent, on renonce à poser des questions. Il faut par contre les formuler d’une manière non culpabilisante, sans pointer une génération : « J’ai l’impression que quelqu’un, un jour, a caché quelque chose... »
Ensuite, il faut lire des ouvrages de sociologie sur la période de l’histoire, la région... Les secrets privés sont souvent partagés par un groupe : la paysannerie française avait plutôt ses secrets autour de l’inceste, le partage de biens ; la bourgeoisie, le placement de jeunes filles travaillant comme servantes, au début du XXe siècle, victimes des assiduités du maître de maison.
J’avais par exemple une patiente qui a découvert qu’elle est née d’un viol : un châtelain, en Suisse, abusait des jeunes filles ; tous les enfants étaient ensuite placés dans une institution religieuse à Paris. Il y avait donc d’autres histoires comme la sienne, viol né d’un mal social.
Enfin, il faut s’interroger sur les moments où l’on a senti le suintement d’un secret – quand nos parents ont fait une chose bizarre... : cela nous met sur la voie des secrets.
http://blogs.rue89.com/ne-le-dis-a-personne/2013/04/28/internet-cest-une-machine-bouleverser-les-secrets-de-famille-230106
Clémentine
Emilie Brouze
Journaliste
Publié le 28/04/2013 à 10h58
« Vous vous intéressez au secret ? Vous devez en avoir, alors », provoque Serge Tisseron, en m’accueillant. Le psychiatre et psychanalyste qui reçoit dans son appartement parisien a l’habitude des confidences : c’est l’un des grands spécialistes des secrets de famille.
L’homme est connu pour avoir révélé celui de Hergé : en lisant « Les Aventures de Tintin » avec son fils, au début des années 80, d’étranges détails l’intriguent. En analysant les personnages et les histoires, Serge Tisseron démontre qu’un secret parcourt l’œuvre de l’auteur de BD : celui d’un garçon non reconnu par son père, un homme illustre.
Le secret est divulgué plus tard dans une autobiographie de Hergé – son père est né d’un géniteur inconnu, probablement un roi de Belgique.
« Les gens adorent raconter leurs secrets »
Serge Tisseron est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet dont un dernier petit livre instructif et croustillant, « Les Secrets de famille », publié chez « Que sais-je ? » (éd. PUF, 2011).
Depuis quelques mois, je recueille des secrets d’anonymes sur un blog, Ne le dis à personne, en essayant, à travers ces histoires, de parler de nos tabous, nos relations sociales ou familiales. Moi qui pensais que l’exercice de faire causer serait ardu, erreur : il y a cette petite lueur de défi chez les porteurs de secrets, qui tout en assurant ne rien vouloir dire ont envie de parler et finissent par le faire.
Le paradoxe fait sourire Serge Tisseron : « Les gens adorent raconter leurs secrets. »
Rue89 : Quelles sont les limites d’un secret ?
Serge Tisseron : On distingue deux types de secrets. Ceux de la vie courante, nécessaires à la préservation de l’intimité, qui permettent par exemple d’éviter de donner des explications qui pourraient être mal perçues. Ils sont très importants car ils nous permettent de nous protéger.
SECRET DE FAMILLE
« Un secret se constitue à chaque fois que quelque chose est caché et qu’il est interdit de savoir de quoi il s’agit, voire de pouvoir penser que quelque chose est caché », écrit Serge Tisseron dans « Les Secrets de famille ». A ces deux éléments s’ajoute une dernière condition : le secret doit concerner un évènement douloureux.
Et puis il y a les autres : les secrets de famille qui préoccupent, qui pèsent dans la vie familiale et, par ricochet, dans celles des descendants...
Dans cette catégorie, il y a les secrets qui parlent au porteur et ceux qu’il se cache à lui-même.
Un de mes premiers patients, dans les années 70, cachait à ses enfants qu’il était au chômage. Chaque matin, il faisait semblant d’aller travailler. Ces derniers l’avaient senti et curieusement, ils ne travaillaient plus à l’école.
Une personne peut ne pas parler d’un secret parce que c’est trop dur pour lui : soit parce que c’est lié à un évènement objectivement traumatisant, soit car c’est lié à un évènement vécu par la personne comme un drame. Il y a deux ans, j’ai rencontré des gagnants de la Française des jeux qui n’ont rien dit à leur famille pendant un an, deux ans, dix ans... Des gens qui ont parfois gagné 120 millions d’euros mais qui continuent à aller tous les jours au boulot pour 2 000 euros par mois. C’était un évènement, pour eux, vécu comme traumatisant.
Il y a donc les secrets dont on ne veut pas parler et les secrets que l’on cache à soi-même. La différence est très importante. Quand on pressent un secret, on ne sait jamais si la personne qu’on questionne a décidé de ne pas en parler ou s’il s’agit d’un secret qui ne parle même pas à lui-même. Il faut faire attention : on peut provoquer des pleurs, voire pire.
Quand une religieuse qui était au Rwanda au moment du génocide est rentrée en France, ses collègues se sont relayées pour la faire parler sur ce qu’elle avait vécu... Ce qu’elle a fini par faire : elle a succombé à une crise cardiaque.
Quand on ne sait pas, il ne faut jamais forcer quelqu’un à parler : on peut le replonger dans la détresse.
L’une des choses les plus importantes, c’est qu’un porteur de secret est partagé entre parler ou se taire : ça va osciller entre l’un et l’autre et provoquer des comportements bizarres. C’est ce que j’appelle les suintements du secret. Ces suintements, c’est ce qui va faire comprendre à un enfant, par exemple, qu’on lui cache quelque chose.
Il y a ensuite deux séries d’effets :
l’enfant vit dans l’insécurité : un enfant d’une famille à secrets va apprendre à se taire ;
l’enfant va imaginer ce qu’on lui cache et organiser sa propre vie en fonction. Par exemple, un enfant qui croit que son grand-père a fait quelque chose de mal va constamment essayer de le racheter ou un enfant qui pense être adopté va éviter de parler de sa naissance...
Comment se manifestent ces suintements ?
Les suintements sont partout. J’avais une patiente à qui son fils, quand il était petit, demandait toujours l’histoire de « La Chèvre de M. Seguin ». Un jour, elle lui a demandé pourquoi et il a répondu : « Je voulais voir le visage du loup. » Car en racontant la nouvelle, sa mère racontait sa propre histoire, son traumatisme – elle avait été violée. Sans comprendre la nature du secret, l’enfant l’avait senti.
Une autre de mes patientes avait un pavillon en petite banlieue et un jour, un voisin a construit en face une bâtisse qui faisait de l’ombre à son jardin. Elle a fait procès sur procès pour la déconstruire, en allant jusqu’à dilapider son héritage. Elle me disait qu’en voyant cette ombre sur le jardin, elle avait l’impression de revivre son traumatisme (son oncle avait abusé d’elle).
« Pour mon oncle, je me suis tue, je ne me tairai pas pour le pavillon. »
Le suintement peut aussi être un comportement absurde du point de vue des proches, qui met la puce à l’oreille aux enfants.
A l’inverse, il y a les « faux secrets ». Vous racontez dans votre livre, l’histoire de cette tante qui, sur son lit de mort, souffle à son neveu qu’il n’est pas le fils de son père officiel. Après test ADN, le neveu découvre pourtant que c’est bien le cas...
Il ne faut jamais croire ce qu’on nous raconte. Quand on rapporte un secret non vécu, qui concerne par exemple la génération précédente, il ne faut pas dire que c’est la vérité mais « c’est ce que j’ai cru comprendre ». Car la vérité est parfois inaccessible et il peut s’agir de ce qu’on a imaginé du secret, sans certitudes.
Il faut cheminer ensemble, dans une famille et entre les générations, pour aboutir à une version partagée et plausible d’un secret.
Le secret ne s’oppose pas à la vérité mais à la communication.
Est-ce qu’il existe des bons et des mauvais secrets ?
Oui. Il y a ceux qui nous protègent, qui protègent notre intimité psychique. Chacun a le droit au secret, à avoir une vie privée. Dans une démocratie, la loi nous le garantit, sans pour autant nous empêcher de rendre publique notre vie privée si on le souhaite.
Les mauvais secrets sont ces évènements dont on ne veut pas se souvenir, car traumatiques, oubliés, mais qui reviennent constamment. Je pense par exemple à une vieille dame qui a vécu l’exode, pendant la Seconde Guerre mondiale. Un jour, elle est allée au cinéma voir « Pétain » où on aperçoit à un moment une colonne de réfugiés se faire mitrailler. Le film a réactivé ses souvenirs : elle a vomi dans la salle et a fait un malaise.
Avec les mauvais secrets, il y a le risque d’être victime d’un retour de secret. Dans l’environnement audiovisuel actuel, avec les journaux, la télé, c’est pratiquement impossible que ce secret ne soit pas réactivé à un moment... On ne peut plus se cacher de nos secrets.
Faut-il en parler, de ces mauvais secrets, pour s’en libérer ?
Les porteurs de secrets doivent déjà se réconcilier avec eux-mêmes avant d’en parler à un proche. Il faut être capable de le formuler sans hurler, sans brutalité... Se mettre en paix avec son secret. Pour cela, le mieux est d’en parler à un psychothérapeute ou avec quelqu’un à qui on fait confiance et qui est capable de supporter la confidence.
Ce n’est pas le contenu d’un secret qui perturbe, c’est plutôt la charge émotionnelle qui l’accompagne et qu’il faut apprendre à réduire. Pour que ce ne soit pas traumatisant pour les enfants, il faut parler de manière apaisée, avec du recul. Avec les enfants, il faut répondre à leurs questions et laisser en suspens ce qu’ils ne demandent pas pour le moment. Ce n’est pas compliqué. Je sais de quoi je parle : j’en ai plein dans ma famille.
Avec un secret dans la famille, la communication n’est plus authentique : on fait attention à ne rien laisser transparaître, à ce que la langue ne fourche pas... Le plus important, c’est de rétablir une bonne communication.
Est-ce qu’un enfant né dans une famille à secrets aura tendance à devenir un adulte secret ?
Oui. Un enfant qui pressent un secret va, plus grand, avoir des secrets. Il va même parfois se fabriquer des secrets qui n’ont parfois pas d’autre utilité que d’être secrets.
On m’a reproché de dire qu’un secret, dans une famille, est toujours un secret de Polichinelle – tout le monde le sait mais personne n’en parle. Mais derrière le secret de Polichinelle, il y a souvent un vrai secret dont on ne parle pas.
Beaucoup de familles sont marquées par le secret. La plupart concernent les circonstances de la naissance (adoption, enfant illégitime, etc.) et la mort (toxicomanie, suicide, etc.).
Les secrets évoluent car les mœurs évoluent. Prenez la tuberculose : à l’époque, les enfants de tuberculeux ne trouvaient ni mari, ni femme, ils se cachaient. C’était souvent secret. On peut aussi parler de l’homosexualité, qui est devenue moins taboue, ou de l’avortement.
Il y a moins de secrets de nos jours ?
Non. Il y a toujours autant de traumatismes, donc de secrets. Beaucoup sont liés à la maltraitance, surtout sexuelle.
Il y a des secrets auxquels on a échappé : autour du sida, par exemple, grâce aux traitements et au formidable travail d’Act Up pour éviter la marginalisation des malades.
On peut également citer une nouvelle catégorie de secrets, autour de la procréation médicalement assistée (PMA) car l’Etat, en refusant de lever l’anonymat des donneurs, encourage les parents à ne rien dire.
Internet a-t-il eu une influence sur les secrets ?
Internet, c’est une machine à bouleverser les secrets. Avant, le porteur de secrets parlait à sa famille, à son entourage proche et moins proche. Avec Internet, on peut diffuser un secret sans passer par la famille.
Je me souviens d’un grand-père qu’on soupçonnait d’avoir joué dans un film de propagande en 1943. Le petit-fils a la curiosité de taper son nom sur Internet et découvre toutes les actions de collaboration du grand-père.
Aujourd’hui, une famille peut préserver un secret en son sein, même s’il est en libre accès en public. Internet est aussi une machine à connaissance généalogique... En cherchant dans les archives en ligne, on peut trouver que son grand-père a déserté. Il faut chercher.
Le secret peut-il être collectif ?
Aucun secret familial ne s’enracine s’il n’est pas collectif. Le secret est lié à l’intimité mais aussi à une situation sociale. C’est parce que l’avortement était interdit qu’il était source de secrets. L’alcoolisme, il y a quelques années, était davantage lié à une faute et donc source de secrets. Le fait qu’un événement, dans un pays, soit vécu comme honteux ou coupable influe sur les secrets. C’est pour ça que tous les pays ont les secrets qu’ils méritent.
Vous racontez dans votre livre que certains secrets obéissent à la logique des secrets de famille, à l’échelle d’un peuple.
Nombreux sont les gouvernements qui imposent la loi du silence sur certains événements graves de leur histoire. Je pense au massacre de Katyn, en Pologne.
En 1940, les Russes massacrent en secret des officiers polonais dans la forêt de Katyn. Quelques années plus tard, quand ils se présentent comme les libérateurs du peuple polonais, ils rendent responsables les Allemands du massacre. En Pologne, il sera obligatoire de dire que les officiers ont été exécutés par les nazis et non les Russes. Les Polonais qui refusent de le croire sont menacés, emprisonnés ou assassinés. C’est rare un secret où tout un peuple est invité à penser le contraire de la vérité.
Le propre de la dictature, c’est de refuser le droit au secret aux citoyens. « Tout ce que vous faites dans la vie privée concerne aussi l’Etat. »
Que faire si on a l’impression « qu’on nous cache quelque chose » ?
Première chose : poser des questions. Souvent, on renonce à poser des questions. Il faut par contre les formuler d’une manière non culpabilisante, sans pointer une génération : « J’ai l’impression que quelqu’un, un jour, a caché quelque chose... »
Ensuite, il faut lire des ouvrages de sociologie sur la période de l’histoire, la région... Les secrets privés sont souvent partagés par un groupe : la paysannerie française avait plutôt ses secrets autour de l’inceste, le partage de biens ; la bourgeoisie, le placement de jeunes filles travaillant comme servantes, au début du XXe siècle, victimes des assiduités du maître de maison.
J’avais par exemple une patiente qui a découvert qu’elle est née d’un viol : un châtelain, en Suisse, abusait des jeunes filles ; tous les enfants étaient ensuite placés dans une institution religieuse à Paris. Il y avait donc d’autres histoires comme la sienne, viol né d’un mal social.
Enfin, il faut s’interroger sur les moments où l’on a senti le suintement d’un secret – quand nos parents ont fait une chose bizarre... : cela nous met sur la voie des secrets.
http://blogs.rue89.com/ne-le-dis-a-personne/2013/04/28/internet-cest-une-machine-bouleverser-les-secrets-de-famille-230106
Clémentine
Invité- Invité
claudy
clementine
je viens de lire ton post,je ne sais pas porquoi ou comment j ai pu revele un sacre secret ,mais depuis ce n est plus un secret pour moi!mais une partie de mon histoire sans plus ni moins
claudy++- Nombre de messages : 4839
Age : 67
Type troubles : bipolaire fille de bipolaire
Emploi / Statut : 60 ans mere de famille - ancienne prof d'histoire
Date d'inscription : 14/02/2012
L'amour démarre , se vit ....et s'achève sur Internet
Pour trouver l'âme soeur et la conserver , les unions se font désormais à 3 : les 2 partenaires (légitimes ou pas ) et internet .
La relation amoureuse se construit , se consolide ou s'achève via la toile (il y a bien quelques exceptions mais elles sont rares )
ainsi , une histoire sur 3 commencerait sur le web . Internet allie le gain de temps au sens pratique ;
plus besoin de présentation du copain d'un copain .
La sélection se fait devant un ordinateur
Et pour ceux qui veulent croire que le hasard fait bien les choses , la nouvelle tendance mêle réel et virtuel .....
Les sites de rencontres proposent de vraies soirées de célibataires .....;
http://psychologie.aujourdhui.com/dossier/amour-a-distance.asp
ET puis , sur ce forum on est servi
La relation amoureuse se construit , se consolide ou s'achève via la toile (il y a bien quelques exceptions mais elles sont rares )
ainsi , une histoire sur 3 commencerait sur le web . Internet allie le gain de temps au sens pratique ;
plus besoin de présentation du copain d'un copain .
La sélection se fait devant un ordinateur
Et pour ceux qui veulent croire que le hasard fait bien les choses , la nouvelle tendance mêle réel et virtuel .....
Les sites de rencontres proposent de vraies soirées de célibataires .....;
http://psychologie.aujourdhui.com/dossier/amour-a-distance.asp
ET puis , sur ce forum on est servi
Invité- Invité
Internet
À quoi ressemblaient les sites Internet en 1995
Vous avez déjà lu le post consacré aux anciennes publicités pour les jeux vidéos en vous disant que les temps avaient bien changé ?
Vous n’êtes pas au bout de vos surprises…
Avec ces screenshots de sites Internets entre 1995 et 1996, on se dit que 19 ans sur le Web équivaut à des années lumières.
Mais soyons tout de même indulgents. 1995, c’est seulement 10 millions d’utilisateurs actifs, et 30 millions de boites mails.
C’est aussi l’avènement du World Wide Web Consortium (W3C), le HTML 2.0, ou encore une époque où Netscape dominait le marché.
Nostalgiques ?
Vous en voulez encore ?
Internet il y a 15 ans
Il y a 15 ans faisait ses débuts Internet, une « autoroute de l’information » ou un « voyage orbital » selon les médias de l’époque.
Internet n’a pas vraiment intégré nos télévisions et on ne pouvait pas commander de pizzas dès le début non plus.
Découvrez le zapping du Monde.
En tout cas, pour ceux qui étaient là en 1995, cela ne nous rajeunit pas…
http://www.tuxboard.com/internet-il-y-a-15-ans/
Voir liens Angie
Internet
https://bipolairemd2008.forum-actif.eu/search?mode=searchbox&search_keywords=INTERNET&show_results=topics
Vous avez déjà lu le post consacré aux anciennes publicités pour les jeux vidéos en vous disant que les temps avaient bien changé ?
Vous n’êtes pas au bout de vos surprises…
Avec ces screenshots de sites Internets entre 1995 et 1996, on se dit que 19 ans sur le Web équivaut à des années lumières.
Mais soyons tout de même indulgents. 1995, c’est seulement 10 millions d’utilisateurs actifs, et 30 millions de boites mails.
C’est aussi l’avènement du World Wide Web Consortium (W3C), le HTML 2.0, ou encore une époque où Netscape dominait le marché.
Nostalgiques ?
Vous en voulez encore ?
Internet il y a 15 ans
Il y a 15 ans faisait ses débuts Internet, une « autoroute de l’information » ou un « voyage orbital » selon les médias de l’époque.
Internet n’a pas vraiment intégré nos télévisions et on ne pouvait pas commander de pizzas dès le début non plus.
Découvrez le zapping du Monde.
En tout cas, pour ceux qui étaient là en 1995, cela ne nous rajeunit pas…
http://www.tuxboard.com/internet-il-y-a-15-ans/
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Internet
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Andrée- Nombre de messages : 2268
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Date d'inscription : 22/05/2013
Nouveau projet de Google pour l'avancement des connaissances en santé
Nouveau projet de Google pour l'avancement des connaissances en santé
Soumis par Gestion le 26 juillet 2014
Google a présenté, le 24 juillet, un nouveau projet visant à dresser un portrait génétique et moléculaire d'un corps en parfaite santé.
Ce dernier pourrait permettre de détecter plus tôt certaines maladies et problèmes avant que les premiers symptômes ne se manifestent. Le projet vise ainsi à contribuer à orienter la médecine vers des capacités de prévention.
La force du projet, nommé Baseline Study, repose sur la grande quantité de données qui pourront être recueillies et analysées.
L'étude recueillera d'abord des informations génétiques et moléculaires auprès de 175 personnes anonymes, et plus tard de milliers d'autres.
Le projet est dirigé, à ce stade précoce, par Andrew Conrad, un biologiste moléculaire de 50 ans qui a déjà réuni une équipe de 70 à 100 experts issus de différents domaines.
Le projet est mené au sein de Google X, le laboratoire où sont également développées les voitures sans chauffeur, les lunettes Google Glass et les lentilles de contact mesurant la glycémie des diabétiques et non pas au sein de la nouvelle société de biotechnologie Calico dont l'objectif est d'avancer les connaissances sur le vieillissement lancé par Google et le président d'Apple en septembre 2013.
Voyez également:
- Google prévoit connecter le cerveau à une intelligence artificielle
Psychomédia avec source: Wall Street Journal
Tous droits réservés
http://www.psychomedia.qc.ca/sante/2014-07-26/projet-baseline-google
Soumis par Gestion le 26 juillet 2014
Google a présenté, le 24 juillet, un nouveau projet visant à dresser un portrait génétique et moléculaire d'un corps en parfaite santé.
Ce dernier pourrait permettre de détecter plus tôt certaines maladies et problèmes avant que les premiers symptômes ne se manifestent. Le projet vise ainsi à contribuer à orienter la médecine vers des capacités de prévention.
La force du projet, nommé Baseline Study, repose sur la grande quantité de données qui pourront être recueillies et analysées.
L'étude recueillera d'abord des informations génétiques et moléculaires auprès de 175 personnes anonymes, et plus tard de milliers d'autres.
Le projet est dirigé, à ce stade précoce, par Andrew Conrad, un biologiste moléculaire de 50 ans qui a déjà réuni une équipe de 70 à 100 experts issus de différents domaines.
Le projet est mené au sein de Google X, le laboratoire où sont également développées les voitures sans chauffeur, les lunettes Google Glass et les lentilles de contact mesurant la glycémie des diabétiques et non pas au sein de la nouvelle société de biotechnologie Calico dont l'objectif est d'avancer les connaissances sur le vieillissement lancé par Google et le président d'Apple en septembre 2013.
Voyez également:
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Psychomédia avec source: Wall Street Journal
Tous droits réservés
http://www.psychomedia.qc.ca/sante/2014-07-26/projet-baseline-google
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