Les différentes façons de s'aimer soi-même
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Les différentes façons de s'aimer soi-même
Les différentes façons de s'aimer soi-même
Par Pascale Senk - le 19/04/2013
«Estime de soi», «auto-compassion» : les psychologues ne cessent de redéfinir le nécessaire intérêt que l'on porte à soi-même.
Freud n'en croirait pas ses yeux. Dans le mythe de Narcisse qui lui servit à définir le «narcissisme», le héros, adolescent superbe, voit son reflet dans le miroir des eaux et tombe amoureux de sa propre image… Au point de s'y noyer. Aujourd'hui, en 2013, le mythe est toujours vivant: sur Internet, des Narcisse contemporains sont toujours aussi fascinés par eux-mêmes. Ainsi cette jeune femme, nommée Clickflashwhirr, qui a photographié son visage, chaque jour, pendant plus de quatre ans… Mais est-ce cela s'aimer soi-même, s'adonner aux plaisirs du digital narcissism ?
En réalité, depuis les bases posées par Freud, l'idée d'«amour de soi» n'a cessé d'évoluer. Et désormais, comme l'écrit le psychanalyste Paul Denis, «la notion de narcissisme est victime d'un succès qui rend ses contours difficiles à cerner».
Pour Viviane Thibaudier, auteur d'un 100 % Jung (Éd. Eyrolles), cette notion bouge déjà avec le premier disciple de Freud: «Pour Jung, le narcissisme est l'intérêt que l'on se porte et qui va permettre qu'on s'accepte même avec ce qui est négatif en soi. Car intégrer ses zones d'ombre, les accepter avant de les transformer en quelque chose de positif, c'est cela qui permet à la personne de progresser… Quant à s'arrêter pour se contempler, cela révèle en fait une piètre ambition.»
L'époque «parce que je le vaux bien»
Avec les psychologies humanistes des années 1970 et la montée de l'individualisme, c'est la notion d'«estime de soi» qui s'est ensuite imposée pendant plus de trente ans en psychologie. C'est l'époque «parce que je le vaux bien» de l'amour de soi: il importe alors que l'individu reconnaisse sa valeur, fondée sur ses qualités et le respect qu'il en retire, pour réussir à peu près tout dans sa vie: ses études, sa carrière, son activité physique, ses relations sociales, etc.
Ilona Boniwell, psychologue et fondatrice du réseau européen de psychologie positive qui vient de publier une Introduction à la psychologie positive (Éd. Payot) distingue toutefois l'estime de soi «authentique» (qui repose sur l'acceptation de soi avec une appréciation précise de ses forces et de sa valeur et le fait de se sentir capable de faire face aux défis inévitables de la vie) du narcissisme «prétentieux» : «Celui-ci est le fait de personnes qui ont une haute estimation de leur valeur mais ne sont pas convaincues de leur capacité à réussir, explique la psychologue. Cela leur donne une hypersensibilité à la critique car, en réalité, ces individus se jugent incompétents et inadéquats.»
C'est dans le domaine éducatif que le «mouvement de l'estime de soi» a le plus essaimé. Lorsque celle-ci était jugée d'un niveau faible, elle expliquait toutes sortes de fléaux tels que la délinquance, les addictions, l'échec scolaire… Dans les écoles mais aussi dans leur famille - surtout dans les pays anglo-saxons -, les enfants ont donc été incités à se considérer comme des «personnes spéciales et uniques». On les invitait à acquérir un sens de l'accomplissement dans un environnement exempt d'esprit de compétition, où l'échec n'existait pas.
Mais aujourd'hui ces êtres si singuliers sont devenus des adolescents et des adultes, et les études montrent qu'ils ne vont pas bien. «Le fait de se focaliser sur le bien-être des enfants au détriment de leur capacité à faire bien, à dépasser la frustration et à se lancer des défis a fait augmenter leurs sentiments dépressifs», observe Ilona Boniwell. Analyse du même ordre chez Viviane Thibaudier: «On a confondu l'estime de soi avec “Je fais ce que je veux quand je le veux… Et je m'aime toujours”.»
«Auto-compassion»
Pour ces spécialistes, le sentiment de notre valeur doit être plus le produit que la cause de bons résultats. «Nos désirs de l'accroître devraient plutôt être consacrés à faire grandir notre compétence, suivis ensuite par la reconnaissance de notre simple valeur en temps qu'être humain», affirme Ilona Boniwell.
L'estime de soi a donc perdu des plumes, et certains de ceux qui l'ont chantée sur tous les tons s'en détournent aujourd'hui.
Désormais ce qui compte, c'est l'«auto-compassion». Dans un monde plus dur, plus compétitif, l'amour de soi consiste à «cesser une fois pour toutes de se juger et de s'évaluer», ainsi que nous y invite Kristin Neff, de l'université d'Austin, l'une des chantres du mouvement, qui publie S'aimer(Éd. Belfond). Il s'agit donc de s'accepter inconditionnellement, «le cœur grand ouvert».
Une posture humaniste et profondément bienveillante qui risque toutefois les mêmes dérives que l'estime de soi des années 1990 : «Le danger, là encore, c'est de vivre cette acceptation de soi jusqu'à faire n'importe quoi, prévient Ilona Boniwell. C'est l'auto-compassion conjuguée à un certain degré de compétence (quel que soit le domaine) qui donne des bases solides à un authentique amour de soi.»
Le Figaro.
Clémentine
Par Pascale Senk - le 19/04/2013
«Estime de soi», «auto-compassion» : les psychologues ne cessent de redéfinir le nécessaire intérêt que l'on porte à soi-même.
Freud n'en croirait pas ses yeux. Dans le mythe de Narcisse qui lui servit à définir le «narcissisme», le héros, adolescent superbe, voit son reflet dans le miroir des eaux et tombe amoureux de sa propre image… Au point de s'y noyer. Aujourd'hui, en 2013, le mythe est toujours vivant: sur Internet, des Narcisse contemporains sont toujours aussi fascinés par eux-mêmes. Ainsi cette jeune femme, nommée Clickflashwhirr, qui a photographié son visage, chaque jour, pendant plus de quatre ans… Mais est-ce cela s'aimer soi-même, s'adonner aux plaisirs du digital narcissism ?
En réalité, depuis les bases posées par Freud, l'idée d'«amour de soi» n'a cessé d'évoluer. Et désormais, comme l'écrit le psychanalyste Paul Denis, «la notion de narcissisme est victime d'un succès qui rend ses contours difficiles à cerner».
Pour Viviane Thibaudier, auteur d'un 100 % Jung (Éd. Eyrolles), cette notion bouge déjà avec le premier disciple de Freud: «Pour Jung, le narcissisme est l'intérêt que l'on se porte et qui va permettre qu'on s'accepte même avec ce qui est négatif en soi. Car intégrer ses zones d'ombre, les accepter avant de les transformer en quelque chose de positif, c'est cela qui permet à la personne de progresser… Quant à s'arrêter pour se contempler, cela révèle en fait une piètre ambition.»
L'époque «parce que je le vaux bien»
Avec les psychologies humanistes des années 1970 et la montée de l'individualisme, c'est la notion d'«estime de soi» qui s'est ensuite imposée pendant plus de trente ans en psychologie. C'est l'époque «parce que je le vaux bien» de l'amour de soi: il importe alors que l'individu reconnaisse sa valeur, fondée sur ses qualités et le respect qu'il en retire, pour réussir à peu près tout dans sa vie: ses études, sa carrière, son activité physique, ses relations sociales, etc.
Ilona Boniwell, psychologue et fondatrice du réseau européen de psychologie positive qui vient de publier une Introduction à la psychologie positive (Éd. Payot) distingue toutefois l'estime de soi «authentique» (qui repose sur l'acceptation de soi avec une appréciation précise de ses forces et de sa valeur et le fait de se sentir capable de faire face aux défis inévitables de la vie) du narcissisme «prétentieux» : «Celui-ci est le fait de personnes qui ont une haute estimation de leur valeur mais ne sont pas convaincues de leur capacité à réussir, explique la psychologue. Cela leur donne une hypersensibilité à la critique car, en réalité, ces individus se jugent incompétents et inadéquats.»
C'est dans le domaine éducatif que le «mouvement de l'estime de soi» a le plus essaimé. Lorsque celle-ci était jugée d'un niveau faible, elle expliquait toutes sortes de fléaux tels que la délinquance, les addictions, l'échec scolaire… Dans les écoles mais aussi dans leur famille - surtout dans les pays anglo-saxons -, les enfants ont donc été incités à se considérer comme des «personnes spéciales et uniques». On les invitait à acquérir un sens de l'accomplissement dans un environnement exempt d'esprit de compétition, où l'échec n'existait pas.
Mais aujourd'hui ces êtres si singuliers sont devenus des adolescents et des adultes, et les études montrent qu'ils ne vont pas bien. «Le fait de se focaliser sur le bien-être des enfants au détriment de leur capacité à faire bien, à dépasser la frustration et à se lancer des défis a fait augmenter leurs sentiments dépressifs», observe Ilona Boniwell. Analyse du même ordre chez Viviane Thibaudier: «On a confondu l'estime de soi avec “Je fais ce que je veux quand je le veux… Et je m'aime toujours”.»
«Auto-compassion»
Pour ces spécialistes, le sentiment de notre valeur doit être plus le produit que la cause de bons résultats. «Nos désirs de l'accroître devraient plutôt être consacrés à faire grandir notre compétence, suivis ensuite par la reconnaissance de notre simple valeur en temps qu'être humain», affirme Ilona Boniwell.
L'estime de soi a donc perdu des plumes, et certains de ceux qui l'ont chantée sur tous les tons s'en détournent aujourd'hui.
Désormais ce qui compte, c'est l'«auto-compassion». Dans un monde plus dur, plus compétitif, l'amour de soi consiste à «cesser une fois pour toutes de se juger et de s'évaluer», ainsi que nous y invite Kristin Neff, de l'université d'Austin, l'une des chantres du mouvement, qui publie S'aimer(Éd. Belfond). Il s'agit donc de s'accepter inconditionnellement, «le cœur grand ouvert».
Une posture humaniste et profondément bienveillante qui risque toutefois les mêmes dérives que l'estime de soi des années 1990 : «Le danger, là encore, c'est de vivre cette acceptation de soi jusqu'à faire n'importe quoi, prévient Ilona Boniwell. C'est l'auto-compassion conjuguée à un certain degré de compétence (quel que soit le domaine) qui donne des bases solides à un authentique amour de soi.»
Le Figaro.
Clémentine
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