Interview du docteur Hantouche, directeur du CTAH, au sujet du Xeroquel
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Interview du docteur Hantouche, directeur du CTAH, au sujet du Xeroquel
Que peut-on attendre du Xeroquel® (quétiapine) dans le spectre bipolaire ?
Interview du docteur Hantouche, directeur du CTAH (centre des troubles anxieux et de lʼhumeur de Paris), au sujet du Xeroquel.
Le 6 Février 2012
Un fil est actuellement en cours et les réponses sont assez contrastées : du "oui, pour moi cʼest très efficace, je revis" au "non, au bout de plusieurs semaines je ne sens pas de changement " en passant par "jʼai pris 3 kilos en 15 jours", "je suis devenu très agressif, je ne dors plus", "je suis complètement léthargique", "je ne me reconnais plus", plus le fil sʼallonge plus on peut se demander sʼil faut tenter lʼaventure.
Avant de parler des bénéfices thérapeutiques de Xeroquel®, pourriez-vous nous présenter ce psychotrope ?
Dr Hantouche : Vous avez raison de commencer par cette question – car s’il y a un débat sur l’efficacité de Xeroquel®, c’est en fait à cause de ses propriétés cinétiques et pharmacodynamiques qui sont assez complexes.
En premier, précisons que le Xeroquel correspond à la forme LP (Libération Prolongée) de la quétiapine – c’est la forme disponible en France.
La quétiapine LI (libération immédiate) est rapidement et bien absorbée – la nourriture augmente de 35% la Cmax (concentration maximale) et de 15% l’AUC (aire sous courbe) – le pic plasmatique est atteint après 1,5 heures de la prise
La forme XR ou Xéroquel LP est rapidement et bien absorbée (un repas de 800 calories augmente la Cmax de 44-52% et l’AUC de 20-22%), pour cela il est recommandé de prendre le xeroquel LP l’estomac vide ou avec un repas léger ; le délai du pic plasmatique est de 6 heures (ce qui explique le délai de la somnolence ressentie au réveil – effet indésirable quasi constant au début du traitement)
La quétiapine est essentiellement métabolisée dans le foie avec un métabolite assez actif, la norquétiapine (qui possède un effet noradrénergique puissant et qui explique l’effet antidépresseur de la quétiapine).
Enfin, l’élimination de la quétiapine se fait dans les urines (73%) et dans les matières fécales (20%). La demi-vie plasmatique varie de 6 heures pour la quétiapine, de 7 heures pour la forme LP et de 9-12 heures pour la norquétiapine.
Quant aux effets biologiques, la quétiapine est un antagoniste sélectif des récepteurs sérotoninergiques 5HT2, et dopaminergiques D2 (c’est le profil des antipsychotiques atypiques) et en plus, un antagoniste des récepteurs histaminiques H1 (somnolence), et adrénergiques alpha 1 et 2 (hypotension orthostatique). La quétiapine nʼa pas dʼaffinité significative pour les récepteurs cholinergiques ou des benzodiazépines.
Son métabolite actif, la norquétiapine, possède les mêmes effets biologiques que la quétiapine mais en plus un effet inhibiteur de recapture de la nordarénaline, ce qui lui confère un effet antidépresseur et un effet anticholinergique.
Il est important de signaler qu’à faible dose, on obtient essentiellement les effets antihistaminiques et anti-adrénergiques (ce qui explique la faible tolérance au début du traitement). C’est en augmentant les doses (au-delà de 300 mg) que la quétiapine exerce son effet sérotoninergique et noradrénergique (effet antidépresseur) et aux doses les plus fortes (400 ou plus), elle bloque les récepteurs D2 (effet antipsychotique)
Ces données sont importantes pour comprendre ce psychotrope
Quels sont, selon vous, les bénéfices pour les types I et II, les cyclothymiques et les dépressifs à potentialité bipolaire ?
Dr Hantouche : En premier, je tiens à préciser que la France a eu un énorme retard avec ce médicament – donc mon expérience se limite à ce que je connais de la littérature médicale, des avis de mes collègues experts dans la bipolarité, de quelques cas que j’ai traités depuis 3-4 ans avec le seroquel (forme LI ou libération immédiate) avec une ATU (autorisation temporaire de l’AFSSAPS pour des cas bipolaires sévères et réfractaires) et d’une expérience récente depuis début décembre (date de disponibilité dans les pharmacies). Pour cela, j’ai demandé aux Profs Karam (Liban) et Perugi (Italie) de me donner leurs opinions sur l’usage de la quétiapine qui seront intégrées dans mes réponses.
Mon expérience personnelle
- Ma première expérience avec le Seroquel (LI – Libération Immédiate) a permis d’obtenir des réponses favorables dans des cas assez complexes et résistants de BP-I et de BP-II – notamment des cas souffrant de phases dépressives chroniques réfractaires aux traitements disponibles. Un constat : tous les patients attestent avoir ressenti un « effet nouveau » alors qu’ils ont expérimenté des dizaines de psychotropes avant, et un effet sédatif assez important lors des deux premières semaines. Un patient déclarait « je sens des effets bizarres avec ce produit ; j’aime bien ses effets sur ma dépression mais ça fait bizarre dans ma tête » ; après 3 ans de traitement (doses entre 300 à 600 mg), j’ai noté dans ce cas, que les épisodes dépressifs sont devenus nettement moins intenses, plus courts et surtout sans conséquences sur le fonctionnement.
- Dans la deuxième expérience avec la forme LP (Libération Prolongée) visant spécialement les patientes bipolaires cyclothymiques présentant des dépressions mixtes avec tension intérieure, irritabilité, troubles du sommeil… le constat est le suivant : 7 cas sur 10 n’ont pas toléré l’effet sédatif le matin (incapacité de décoller le matin) malgré la prise de 50 mg voir 25 mg – donc arrêt prématuré du traitement dans la première ou la deuxième semaine. Cet effet s’explique par le délai de 6 heures pour atteindre le pic plasmatique après ingestion de la quétiapine LP.
Dans les autres cas, soit 30%, j’ai observé un effet positif presque spectaculaire avec une disparition rapide des oscillations thymiques, une réduction nette de l’irritabilité, des insomnies rebelles et d’autres indices de la dépression mixte, avec des doses qui varient de 100 à 600 mg, avec une excellente tolérance.
Je me demande s’il fallait dès le début avertir les patients de prendre le xeroquel assez tôt dans la soirée (19-20h) l’estomac vide ou avec un repas assez léger afin de limiter autant que possible les effets indésirables notamment avec les doses initiales faibles (somnolence matinale).
Concernant la question « efficacité dans BP-I versus BP-II et Cyclothymie », je ne peux pas pour l’instant répondre à cette question à travers mon expérience clinique. Cela dit, en relisant de près les études cliniques contrôlées (versus placebo) réalisées avec la Quetiapine, notamment dans la dépression bipolaire, j’ai observé que l’amplitude de l’effet antidépresseur de la Quetiapine est plus important dans les dépressions du trouble BP-I que celles du BP-II (figure). Par ailleurs, à ma connaissance, il n’y a pas d’études ayant évalué l’effet dans les dépressions majeures cyclothymiques. Pour le Pr Karam (Liban), il réserve la quétiapine pour le traitement des dépressions au sein du trouble BP-I, les dépressions psychotiques (ou délirantes) et les cas avec une insomnie rebelle.
On voit, sur notre forum, que des psychiatres prescrivent le Xeroquel à la place dʼun thymorégulateur. Ca nous fait penser au mésusage du Zyprexa ou de lʼAbilify. Quʼen pensez-vous ?
Dr Hantouche : Dans le rapport de la HAS qui date de juin 2011, il a été clairement précisé que les études ont montré que la Quetiapine en monothérapie était supérieure au placebo dans la prévention des récidives chez les patients ayant préalablement répondu à un traitement par quétiapine et en association à un thymorégulateur était supérieure au thymorégulateur seul chez des patients ayant préalablement répondu à l’association « Quétiapine plus thymorégulateur ». Ces études sont plutôt basées sur un modèle de continuation et non de prophylaxie, c’est-à-dire en incluant les patients ayant répondu positivement en phase aiguë à la Quétiapine. L’absence d’étude méthodologiquement valide versus comparateur actif et le peu de données suffisantes sur la tolérance à long terme (effets métaboliques et prise de poids notamment) font que la Quétiapine ne peut pas être une alternative aux thymorégulateurs, mais plutôt un adjuvant. Le rapport de la HAS stipule que l’intérêt de la Quétiapine dans cette indication (prévention des récidives) est difficile à apprécier. Le modèle de continuation du traitement après une réponse positive en aigu permet de tester la prévention de l’épisode en cours et non des nouveaux épisodes.
Cette remarque s’applique bien à tous les antipsychotiques ayant prouvé leur efficacité dans le traitement des épisodes bipolaires. Pour moi, ces psychotropes ne doivent pas être considérés (ni confondus avec) comme thymorégulateurs.
Dans la pratique, tout traitement prescrit pour soigner une manie ou une dépression bipolaire doit être maintenu au moins 6 mois après l’obtention d’une rémission clinique de l’épisode – ce qui est considéré comme la durée optimale du traitement de l’épisode (phase aiguë suivie d’une phase de consolidation de 6 mois).
Et dans la dépression non bipolaire, quel rôle peut avoir Xeroquel ?
Dr Hantouche : Personnellement, je n’ai aucune expérience pour l’instant. Je sais que plusieurs études ont été réalisées dans les cas de « dépression majeure ayant résisté ou répondu partiellement aux antidépresseurs ». La comparaison de la quétiapine LP au placebo, en adjuvant du traitement antidépresseur, a montré une efficacité supérieure au placebo chez des patients ayant répondu de façon insuffisante à un traitement antidépresseur en monothérapie. Mais ces données n’ont pas convaincu les autorités pour apprécier l’intérêt de la quétiapine dans cette indication :
▪ Absence d’étude comparant quétiapine à un traitement actif ; Dommage, car le meilleur comparateur dans le traitement de la dépression résistante, c’est le Lithium ! De plus, je précise que la meilleure efficacité du lithium dans une dépression résistante est observée dans les cas avec une histoire familiale de bipolarité !
▪ Doutes sur la pertinence clinique de la différence entre le groupe quétiapine et le placebo sur les variations des scores sur l’échelle MADRS ;
▪ Profil de tolérance médiocre de quétiapine (somnolence, prise de poids et effets métaboliques notamment) et absence de données de tolérance à long terme.
Cela dit, je maintiens que cette molécule a un rôle dans le traitement des cas de dépression résistante à plusieurs AD, notamment les cas avec des signes de mixité (agitation, irritabilité, abondance de pensées, confusion…) et/ou une insomnie sévère.
Le Xeroquel peut-il être utilisé avec succès à faible dose pour lutter contre lʼanxiété comme on peut le faire avec dʼautres neuroleptiques ?
Dr Hantouche : Selon moi et surtout l’expérience de mes collègues comme les Prof. Perugi (Italie) et Karam (Liban), il ne s’agit pas d’effet anti-anxieux proprement dit (car il peut induire des crises de panique chez les patients prédisposés) mais un effet positif plutôt sur l’agitation et la tension intérieures, l’excitation psychique qu’on observe dans les dépressions et les hypomanies mixtes. Enfin, pour rappel, la forme LP 25 à 50 mg a été proposée en 2009 aux Etats-Unis pour une indication dans le traitement du Trouble Anxiété Généralisée.
A ma connaissance, la Quetiapine a été utilisée comme adjuvant dans le traitement des troubles anxieux (TOC, Stress Post-Traumatique) et de la personnalité (Borderline), résistants aux traitements conventionnels. Les résultats ne sont pas assez convaincants.
Nous nʼaimons pas trop parler des effets secondaires car ils sont assez individuels, néanmoins, quand il sʼagit dʼun nouveau médicament, tout le monde se pose des questions. Il semble, dʼaprès les retours sur notre site, que la prise de poids soit importante (ça nous rappelle le Zyprexa de sinistre mémoire), que le Xeroquel sédate beaucoup également.
Quelles sont les principales plaintes de vos patients et comment peuvent se gérer ces effets secondaires ?
Dr Hantouche : Le profil de tolérance peut être prévisible en fonction des propriétés pharmacologiques du psychotrope ; notamment en raison de son effet puissant antihistaminique. Il est ainsi considéré comme l’antipsychotique atypique le plus sédatif.
Selon le dernier rapport de pharmacovigilance couvrant la période du 01/08/2009 au
31/07/2010, près de 27 000 sujets ont été exposés à la quétiapine LI et la quétiapine LP au cours des essais cliniques et 37 millions de patients ont reçu un traitement par quétiapine dans le monde depuis la commercialisation initiale de ce produit en 1997.
Selon le RCP (source HAS, juin 2011), les effets indésirables les plus couramment rapportés sont : somnolence, sensations vertigineuses, céphalées, bouche sèche, élévations des concentrations sériques de triglycérides, élévation du cholestérol total (principalement du cholestérol LDL), diminution du cholestérol HDL, gain pondéral, symptômes de sevrage.
Les effets moins fréquents : leucopénie, hyperprolactinémie, augmentation de l’appétit, rêves anormaux et cauchemars, idées suicidaires et comportement suicidaire, syncope, symptômes extrapyramidaux, dysarthrie, tachycardie, vision voilée, hypotension orthostatique, rhinite, constipation, dyspepsie, dysfonction sexuelle, légère asthénie, œdème périphérique, irritabilité, élévation des transaminases sériques (ALAT, ASAT), diminution du nombre de neutrophiles,
élévation de la glycémie jusqu’à des valeurs hyperglycémiques.
En fonction de ces effets indésirables possibles, il est important de faire attention aux effets sédatifs et de somnolence au début du traitement. Pour limiter l’effet matinal de somnolence, la prise doit être vers 19h00 - 20h00 afin que le pic plasmatique ne coïncide pas avec l’heure de réveil, et avant le repas ou avec repas assez léger (un repas gras augmente l’absorption et la concentration plasmatique)
Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez ajouter ?
Dr Hantouche : Pour conclure et faire simple, je pense que la quétiapine (en dehors de son indication dans la schizophrénie) est un « bon » traitement pour les manies (non psychotiques selon Pr Perugi), les états mixtes (manies / hypomanies et dépressions mixtes) et les épisodes avec troubles sévères du sommeil. On ne peut pas la considérer comme thymorégulateur, antidépresseur ou anti-anxieux, mais comme un adjuvant efficace dans les cas résistants de cyclothymie, de dépression, d’anxiété (TAG ou TOC).
Dans la bipolarité cyclothymique, il convient d’avoir un peu plus de recul pour saisir le profil clinique des « bons » répondeurs à cette molécule. Selon Pr Perugi, l’olanzapine et l’aripiprazole semblent avoir plus d’avantages pour agir sur l’impulsivité chez les cyclothymiques type borderline. Enfin, comme la quétapine possède une faible activité pour bloquer la dopamine, certaines personnes à tendance addictive peuvent en abuser en cherchant un effet sédatif agréable.
Sur un autre plan, je profite de cette synthèse sur la quétiapine pour réagir sur la nature des dépressions au sein du spectre bipolaire. Pour moi, il est clair que les dépressions associées au trouble BP-I ne sont pas de même nature clinique et biologique que les dépressions du trouble BP-II et de la cyclothymie. L’expérience clinique le montre tous les jours dans notre centre. Pour ces raisons, il est crucial de ne pas transposer hâtivement les données obtenues dans les études cliniques – d’affiner au maximum les diagnostics des formes cliniques de la bipolarité – de saisir les dimensions cliniques les plus sensibles aux effets de la molécule en question – d’être attentif au profil de tolérance et de donner une chance aux cas résistants ou complexes.[u]
Interview du docteur Hantouche, directeur du CTAH (centre des troubles anxieux et de lʼhumeur de Paris), au sujet du Xeroquel.
Le 6 Février 2012
Un fil est actuellement en cours et les réponses sont assez contrastées : du "oui, pour moi cʼest très efficace, je revis" au "non, au bout de plusieurs semaines je ne sens pas de changement " en passant par "jʼai pris 3 kilos en 15 jours", "je suis devenu très agressif, je ne dors plus", "je suis complètement léthargique", "je ne me reconnais plus", plus le fil sʼallonge plus on peut se demander sʼil faut tenter lʼaventure.
Avant de parler des bénéfices thérapeutiques de Xeroquel®, pourriez-vous nous présenter ce psychotrope ?
Dr Hantouche : Vous avez raison de commencer par cette question – car s’il y a un débat sur l’efficacité de Xeroquel®, c’est en fait à cause de ses propriétés cinétiques et pharmacodynamiques qui sont assez complexes.
En premier, précisons que le Xeroquel correspond à la forme LP (Libération Prolongée) de la quétiapine – c’est la forme disponible en France.
La quétiapine LI (libération immédiate) est rapidement et bien absorbée – la nourriture augmente de 35% la Cmax (concentration maximale) et de 15% l’AUC (aire sous courbe) – le pic plasmatique est atteint après 1,5 heures de la prise
La forme XR ou Xéroquel LP est rapidement et bien absorbée (un repas de 800 calories augmente la Cmax de 44-52% et l’AUC de 20-22%), pour cela il est recommandé de prendre le xeroquel LP l’estomac vide ou avec un repas léger ; le délai du pic plasmatique est de 6 heures (ce qui explique le délai de la somnolence ressentie au réveil – effet indésirable quasi constant au début du traitement)
La quétiapine est essentiellement métabolisée dans le foie avec un métabolite assez actif, la norquétiapine (qui possède un effet noradrénergique puissant et qui explique l’effet antidépresseur de la quétiapine).
Enfin, l’élimination de la quétiapine se fait dans les urines (73%) et dans les matières fécales (20%). La demi-vie plasmatique varie de 6 heures pour la quétiapine, de 7 heures pour la forme LP et de 9-12 heures pour la norquétiapine.
Quant aux effets biologiques, la quétiapine est un antagoniste sélectif des récepteurs sérotoninergiques 5HT2, et dopaminergiques D2 (c’est le profil des antipsychotiques atypiques) et en plus, un antagoniste des récepteurs histaminiques H1 (somnolence), et adrénergiques alpha 1 et 2 (hypotension orthostatique). La quétiapine nʼa pas dʼaffinité significative pour les récepteurs cholinergiques ou des benzodiazépines.
Son métabolite actif, la norquétiapine, possède les mêmes effets biologiques que la quétiapine mais en plus un effet inhibiteur de recapture de la nordarénaline, ce qui lui confère un effet antidépresseur et un effet anticholinergique.
Il est important de signaler qu’à faible dose, on obtient essentiellement les effets antihistaminiques et anti-adrénergiques (ce qui explique la faible tolérance au début du traitement). C’est en augmentant les doses (au-delà de 300 mg) que la quétiapine exerce son effet sérotoninergique et noradrénergique (effet antidépresseur) et aux doses les plus fortes (400 ou plus), elle bloque les récepteurs D2 (effet antipsychotique)
Ces données sont importantes pour comprendre ce psychotrope
Quels sont, selon vous, les bénéfices pour les types I et II, les cyclothymiques et les dépressifs à potentialité bipolaire ?
Dr Hantouche : En premier, je tiens à préciser que la France a eu un énorme retard avec ce médicament – donc mon expérience se limite à ce que je connais de la littérature médicale, des avis de mes collègues experts dans la bipolarité, de quelques cas que j’ai traités depuis 3-4 ans avec le seroquel (forme LI ou libération immédiate) avec une ATU (autorisation temporaire de l’AFSSAPS pour des cas bipolaires sévères et réfractaires) et d’une expérience récente depuis début décembre (date de disponibilité dans les pharmacies). Pour cela, j’ai demandé aux Profs Karam (Liban) et Perugi (Italie) de me donner leurs opinions sur l’usage de la quétiapine qui seront intégrées dans mes réponses.
Mon expérience personnelle
- Ma première expérience avec le Seroquel (LI – Libération Immédiate) a permis d’obtenir des réponses favorables dans des cas assez complexes et résistants de BP-I et de BP-II – notamment des cas souffrant de phases dépressives chroniques réfractaires aux traitements disponibles. Un constat : tous les patients attestent avoir ressenti un « effet nouveau » alors qu’ils ont expérimenté des dizaines de psychotropes avant, et un effet sédatif assez important lors des deux premières semaines. Un patient déclarait « je sens des effets bizarres avec ce produit ; j’aime bien ses effets sur ma dépression mais ça fait bizarre dans ma tête » ; après 3 ans de traitement (doses entre 300 à 600 mg), j’ai noté dans ce cas, que les épisodes dépressifs sont devenus nettement moins intenses, plus courts et surtout sans conséquences sur le fonctionnement.
- Dans la deuxième expérience avec la forme LP (Libération Prolongée) visant spécialement les patientes bipolaires cyclothymiques présentant des dépressions mixtes avec tension intérieure, irritabilité, troubles du sommeil… le constat est le suivant : 7 cas sur 10 n’ont pas toléré l’effet sédatif le matin (incapacité de décoller le matin) malgré la prise de 50 mg voir 25 mg – donc arrêt prématuré du traitement dans la première ou la deuxième semaine. Cet effet s’explique par le délai de 6 heures pour atteindre le pic plasmatique après ingestion de la quétiapine LP.
Dans les autres cas, soit 30%, j’ai observé un effet positif presque spectaculaire avec une disparition rapide des oscillations thymiques, une réduction nette de l’irritabilité, des insomnies rebelles et d’autres indices de la dépression mixte, avec des doses qui varient de 100 à 600 mg, avec une excellente tolérance.
Je me demande s’il fallait dès le début avertir les patients de prendre le xeroquel assez tôt dans la soirée (19-20h) l’estomac vide ou avec un repas assez léger afin de limiter autant que possible les effets indésirables notamment avec les doses initiales faibles (somnolence matinale).
Concernant la question « efficacité dans BP-I versus BP-II et Cyclothymie », je ne peux pas pour l’instant répondre à cette question à travers mon expérience clinique. Cela dit, en relisant de près les études cliniques contrôlées (versus placebo) réalisées avec la Quetiapine, notamment dans la dépression bipolaire, j’ai observé que l’amplitude de l’effet antidépresseur de la Quetiapine est plus important dans les dépressions du trouble BP-I que celles du BP-II (figure). Par ailleurs, à ma connaissance, il n’y a pas d’études ayant évalué l’effet dans les dépressions majeures cyclothymiques. Pour le Pr Karam (Liban), il réserve la quétiapine pour le traitement des dépressions au sein du trouble BP-I, les dépressions psychotiques (ou délirantes) et les cas avec une insomnie rebelle.
On voit, sur notre forum, que des psychiatres prescrivent le Xeroquel à la place dʼun thymorégulateur. Ca nous fait penser au mésusage du Zyprexa ou de lʼAbilify. Quʼen pensez-vous ?
Dr Hantouche : Dans le rapport de la HAS qui date de juin 2011, il a été clairement précisé que les études ont montré que la Quetiapine en monothérapie était supérieure au placebo dans la prévention des récidives chez les patients ayant préalablement répondu à un traitement par quétiapine et en association à un thymorégulateur était supérieure au thymorégulateur seul chez des patients ayant préalablement répondu à l’association « Quétiapine plus thymorégulateur ». Ces études sont plutôt basées sur un modèle de continuation et non de prophylaxie, c’est-à-dire en incluant les patients ayant répondu positivement en phase aiguë à la Quétiapine. L’absence d’étude méthodologiquement valide versus comparateur actif et le peu de données suffisantes sur la tolérance à long terme (effets métaboliques et prise de poids notamment) font que la Quétiapine ne peut pas être une alternative aux thymorégulateurs, mais plutôt un adjuvant. Le rapport de la HAS stipule que l’intérêt de la Quétiapine dans cette indication (prévention des récidives) est difficile à apprécier. Le modèle de continuation du traitement après une réponse positive en aigu permet de tester la prévention de l’épisode en cours et non des nouveaux épisodes.
Cette remarque s’applique bien à tous les antipsychotiques ayant prouvé leur efficacité dans le traitement des épisodes bipolaires. Pour moi, ces psychotropes ne doivent pas être considérés (ni confondus avec) comme thymorégulateurs.
Dans la pratique, tout traitement prescrit pour soigner une manie ou une dépression bipolaire doit être maintenu au moins 6 mois après l’obtention d’une rémission clinique de l’épisode – ce qui est considéré comme la durée optimale du traitement de l’épisode (phase aiguë suivie d’une phase de consolidation de 6 mois).
Et dans la dépression non bipolaire, quel rôle peut avoir Xeroquel ?
Dr Hantouche : Personnellement, je n’ai aucune expérience pour l’instant. Je sais que plusieurs études ont été réalisées dans les cas de « dépression majeure ayant résisté ou répondu partiellement aux antidépresseurs ». La comparaison de la quétiapine LP au placebo, en adjuvant du traitement antidépresseur, a montré une efficacité supérieure au placebo chez des patients ayant répondu de façon insuffisante à un traitement antidépresseur en monothérapie. Mais ces données n’ont pas convaincu les autorités pour apprécier l’intérêt de la quétiapine dans cette indication :
▪ Absence d’étude comparant quétiapine à un traitement actif ; Dommage, car le meilleur comparateur dans le traitement de la dépression résistante, c’est le Lithium ! De plus, je précise que la meilleure efficacité du lithium dans une dépression résistante est observée dans les cas avec une histoire familiale de bipolarité !
▪ Doutes sur la pertinence clinique de la différence entre le groupe quétiapine et le placebo sur les variations des scores sur l’échelle MADRS ;
▪ Profil de tolérance médiocre de quétiapine (somnolence, prise de poids et effets métaboliques notamment) et absence de données de tolérance à long terme.
Cela dit, je maintiens que cette molécule a un rôle dans le traitement des cas de dépression résistante à plusieurs AD, notamment les cas avec des signes de mixité (agitation, irritabilité, abondance de pensées, confusion…) et/ou une insomnie sévère.
Le Xeroquel peut-il être utilisé avec succès à faible dose pour lutter contre lʼanxiété comme on peut le faire avec dʼautres neuroleptiques ?
Dr Hantouche : Selon moi et surtout l’expérience de mes collègues comme les Prof. Perugi (Italie) et Karam (Liban), il ne s’agit pas d’effet anti-anxieux proprement dit (car il peut induire des crises de panique chez les patients prédisposés) mais un effet positif plutôt sur l’agitation et la tension intérieures, l’excitation psychique qu’on observe dans les dépressions et les hypomanies mixtes. Enfin, pour rappel, la forme LP 25 à 50 mg a été proposée en 2009 aux Etats-Unis pour une indication dans le traitement du Trouble Anxiété Généralisée.
A ma connaissance, la Quetiapine a été utilisée comme adjuvant dans le traitement des troubles anxieux (TOC, Stress Post-Traumatique) et de la personnalité (Borderline), résistants aux traitements conventionnels. Les résultats ne sont pas assez convaincants.
Nous nʼaimons pas trop parler des effets secondaires car ils sont assez individuels, néanmoins, quand il sʼagit dʼun nouveau médicament, tout le monde se pose des questions. Il semble, dʼaprès les retours sur notre site, que la prise de poids soit importante (ça nous rappelle le Zyprexa de sinistre mémoire), que le Xeroquel sédate beaucoup également.
Quelles sont les principales plaintes de vos patients et comment peuvent se gérer ces effets secondaires ?
Dr Hantouche : Le profil de tolérance peut être prévisible en fonction des propriétés pharmacologiques du psychotrope ; notamment en raison de son effet puissant antihistaminique. Il est ainsi considéré comme l’antipsychotique atypique le plus sédatif.
Selon le dernier rapport de pharmacovigilance couvrant la période du 01/08/2009 au
31/07/2010, près de 27 000 sujets ont été exposés à la quétiapine LI et la quétiapine LP au cours des essais cliniques et 37 millions de patients ont reçu un traitement par quétiapine dans le monde depuis la commercialisation initiale de ce produit en 1997.
Selon le RCP (source HAS, juin 2011), les effets indésirables les plus couramment rapportés sont : somnolence, sensations vertigineuses, céphalées, bouche sèche, élévations des concentrations sériques de triglycérides, élévation du cholestérol total (principalement du cholestérol LDL), diminution du cholestérol HDL, gain pondéral, symptômes de sevrage.
Les effets moins fréquents : leucopénie, hyperprolactinémie, augmentation de l’appétit, rêves anormaux et cauchemars, idées suicidaires et comportement suicidaire, syncope, symptômes extrapyramidaux, dysarthrie, tachycardie, vision voilée, hypotension orthostatique, rhinite, constipation, dyspepsie, dysfonction sexuelle, légère asthénie, œdème périphérique, irritabilité, élévation des transaminases sériques (ALAT, ASAT), diminution du nombre de neutrophiles,
élévation de la glycémie jusqu’à des valeurs hyperglycémiques.
En fonction de ces effets indésirables possibles, il est important de faire attention aux effets sédatifs et de somnolence au début du traitement. Pour limiter l’effet matinal de somnolence, la prise doit être vers 19h00 - 20h00 afin que le pic plasmatique ne coïncide pas avec l’heure de réveil, et avant le repas ou avec repas assez léger (un repas gras augmente l’absorption et la concentration plasmatique)
Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez ajouter ?
Dr Hantouche : Pour conclure et faire simple, je pense que la quétiapine (en dehors de son indication dans la schizophrénie) est un « bon » traitement pour les manies (non psychotiques selon Pr Perugi), les états mixtes (manies / hypomanies et dépressions mixtes) et les épisodes avec troubles sévères du sommeil. On ne peut pas la considérer comme thymorégulateur, antidépresseur ou anti-anxieux, mais comme un adjuvant efficace dans les cas résistants de cyclothymie, de dépression, d’anxiété (TAG ou TOC).
Dans la bipolarité cyclothymique, il convient d’avoir un peu plus de recul pour saisir le profil clinique des « bons » répondeurs à cette molécule. Selon Pr Perugi, l’olanzapine et l’aripiprazole semblent avoir plus d’avantages pour agir sur l’impulsivité chez les cyclothymiques type borderline. Enfin, comme la quétapine possède une faible activité pour bloquer la dopamine, certaines personnes à tendance addictive peuvent en abuser en cherchant un effet sédatif agréable.
Sur un autre plan, je profite de cette synthèse sur la quétiapine pour réagir sur la nature des dépressions au sein du spectre bipolaire. Pour moi, il est clair que les dépressions associées au trouble BP-I ne sont pas de même nature clinique et biologique que les dépressions du trouble BP-II et de la cyclothymie. L’expérience clinique le montre tous les jours dans notre centre. Pour ces raisons, il est crucial de ne pas transposer hâtivement les données obtenues dans les études cliniques – d’affiner au maximum les diagnostics des formes cliniques de la bipolarité – de saisir les dimensions cliniques les plus sensibles aux effets de la molécule en question – d’être attentif au profil de tolérance et de donner une chance aux cas résistants ou complexes.[u]
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